TRIADES La mafia chinoise à la conquête du monde d’Antoine Vitkine paraît chez Tallandier.

« Les mafias et les dictatures partagent les mêmes valeurs : l’argent et l’enrichissement à tout prix », nous dit Antoine Vitkine dans son essai, TRIADES, La mafia chinoise à la conquête du monde.

Après avoir tourné pour Arte un excellent documentaire en trois parties sur ce sujet, l’auteur a rassemblé dans son livre un nombre considérable d’enquêtes, de témoignages et de péripéties sur ces gangs.

Il englobe, ainsi, un large spectre des turpitudes de ce milieu très fermé, mais pas insensible aux marques de reconnaissance.Il adore notamment se voir héroïser au cinéma. Le Hong Kong des années quatre-vingts en a d’ailleurs fait ses choux gras.

C’est aussi ce travers qui a permis à l’auteur d’approcher les caïds, Kingpin, des diverses triades. D’ailleurs, elles-mêmes ne se nomment pas ainsi. Il faut plutôt parler de Hongmen. Ces sortes de syndicats nés des années trente, après avoir protégé leurs membres, se sont vite tournés vers des activités illégales beaucoup plus lucratives.

Puis ces triades prospèrent en s’acoquinant avec le guomindang de Chiang Kaï-Shek en lutte contre le parti communiste en Chine continentale.

À Hong Kong et Macao elles investissent énormément dans les casinos, sans négliger, toutefois, l’ensemble d’autres formes de crime, incluant l’assassinat pur et simple. Si bien que des policiers ou des concurrents sur un segment porteur font les frais de leur manque total d’humanisme.

Jusque vers la fin des années quatre-vingt-dix, elles se développent. Mais les rétrocessions des deux colonies entraînent une reprise en main par le PCC. C’est alors que les triades, par opportunisme plus que par conviction, se mettent à collaborer avec le pouvoir à Pékin. De plus l’aspect chinois des deux entités n’est pas à négliger dans leur rapprochement. En effet, elles sont structurées de façon similaire : un système très hiérarchisé avec à sa tête un homme de caractère infaillible et inamovible.

Si bien que certains caïds, comme Loup Blanc, se reconvertissent dans la politique. Avec comme but : le retour de Taïwan dans le giron de Pékin et ce, de façon pacifique. Tout au moins, il présente sa démarche comme telle.

Si les triades sont exclues du territoire chinois, elles n’en sont pas moins présentes dans le monde entier, révèle un grand ponte au cours d’un entretien avec l’auteur. Bien sûr, le Mexique est un lieu incontournable de collaboration transnationale avec les groupes chinois. Un peu plus au Nord, à Vancouver, la ville est en passe de remplacer Hong Kong à son apogée. En effet, le Canada semble gangrené par les truands chinois qui profitent de leur présence en Amérique du Nord pour étendre leur emprise sur les USA.

D’ailleurs, ce pays est en passe de succomber au fentanyl. Grâce à cette drogue, l’Empire du Milieu semble vouloir se venger des guerres de l’opium du XIXè siècle. De toute évidence, la Chine mène une guerre indirecte aux États-Unis par l’intermédiaire des triades désormais à sa main. Peu cher et très addict, ce stupéfiant cause une catastrophe sanitaire aux États-Unis.

Un ouvrage dense et documenté à la source par Antoine Vitkine. La lecture se rapproche de celle d’un polar tellement elle nous immerge dans ce milieu si particulier.

Au travers des divers caïds que nous décrit l’auteur, l’aspect historique est rendu à merveille. Il démontre, ainsi, toute l’effervescence charognarde de ce milieu.

Cette supervision exhaustive du monde de la drogue, notamment, nous fait prendre conscience de la menace qui pèse sur tout l’Occident. Même si l’Europe échappe quelque peu aux griffes prédatrices.

Mais plus que tout, c’est le rapprochement entre le PCC et les triades qui peut nous étonner. Puisque à leur fondation, chacune des deux parties étaient des ennemies jurées. C’est la force du PCC que d’avoir su retourner la cupidité des truands en sa faveur.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

TRIADES La mafia chinoise à la conquête du monde d’Antoine Vitkine, 452 pages, 21,90€, éd. Tallandier.

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