Dans le nouveau roman de Shion Miura (1), Chez Tada, Travaux en tout genre, Gyôten travaille pour l’entreprise Tada. Son patron, Keisuke Tada a monté ce petit boulot d’homme à tout faire faute de mieux. Ils se sont retrouvés par hasard sur un banc à un arrêt de bus. Ils étaient ensemble au lycée, sans avoir eu de relation particulièrement proche.
En fait, Tada a recueilli Haruhiko Gyôten pour ne pas dire que celui-ci s’est accroché à ses baskets. Ils vivent au jour le jour dans le bureau/appartement de Tada. Pour le travail, ils acceptent tout ce que leurs clients rejettent comme basses œuvres.
Ils sont ainsi amenés à nettoyer un jardin ou vider une réserve de choses devenues inutiles. Rien de bien motivant, mais rien de bien compliqué non plus. Ils n’ont aucune ambition particulière, si ce n’est d’avoir à manger, à boire et de quoi fumer pour le lendemain.
Mais un beau jour ils acceptent de transporter un jeune garçon à l’école et de le ramener à son domicile. Travail facile et peu fatigant. Toutefois, la sinécure prévue se métamorphoser en une rocambolesque aventure à cause d’un caïd de Mahoro, lointaine banlieue de Tokyo où ils exercent leur talent.
En effet, le gamin n’est pas si innocent qu’il le laisse paraître. Ils s’en rendent compte lorsqu’ils ne le convoient pas. Il est un relais pour le trafiquant de drogue. Ils feront tout pour le sortir des griffes du caïd, au risque d’en subir de lourdes conséquences.
L’autrice nous dévoile une riche galerie de portraits dans un style très réaliste, presque naturaliste et plutôt cocasse. Tous ces personnages sont très vivants. Cela va de prostituées qui recueillent un chihuahua au client obsédé par les horaires de bus qui s’amenuisent. Ils forment une petite ville avec ces joies minimales et ses contrariétés du quotidien.
À commencer, d’ailleurs, par les deux principaux personnages. Tada est très serviable et pour cause, mais amer. Sa voix intérieure qui apparaît souvent au cours de leurs “aventures” en dit long sur son ressentiment. Quant à Gyôten, il est très mystérieux. Il a beaucoup de distance avec la vie et ne s’engage que lorsqu’il ne peut pas agir autrement.
Pour autant, il se construit une amitié paradoxale entre les deux hommes. Sans se l’avouer Tada lâche même, quasiment par inadvertance, qu’ils sont presque amis. Il ne peut plus se passer de la présence de Gyôten. En effet lorsque son ami disparaît, il remue ciel et terre pour le retrouver.
Un récit humaniste sur la difficulté de l’amitié et le déclassement social. Bien que las de la vie, il faut bien l’accepter. Elle peut bien valoir le coup ! Qui sait, après tout ?
Quelque temps auparavant est paru, aussi chez Actes Sud, B-52 ou celle qui aimait Tolstoï de l’autrice vietnamienne Thuân qui écrit directement en français. Ce roman qui suit le cheminement d’une jeune femme médecin vietnamienne de la guerre dans son pays à son exil en France est traversé par une grande dérision. Guerre et paix n’y est pas pour rien !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique de son précédent roman chez Actes Sud : https://asiexpo.fr/la-grande-traversee-de-shion-miura-parait-chez-actes-sud/
Chez Tada, Travaux en tout genre de Shion Miuraparaît, roman traduit japonais par Liza Thetiot, 304 pages, 22, 50 €, éd. Actes Sud. En librairie le 21 mai 2025.
B-52 ou celle qui aimait Tolstoï de Thuân, 160 pages, 18€, éd. Actes Sud. En librairie le 5 mars 2025.