Séoul, Sao Paulo de Gabriel Mamani Magne paraît chez Métaillié.

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À Sao Paulo, la concurrence coréenne de la contrefaçon est trop rude pour la famille de Tayson, le cousin du narrateur. Elle doit rentrer à El Alto en Colombie. Le premier roman de Gabriel Mamani Magne, Séoul, Sao Paulo.se situe dans cette petite ville contiguë de La Paz, la capitale à quatre mille mètres d’altitude.

Les autres parents sont restés au pays. Ils l’accueillent dans l’immeuble familial tenue par la grand-mère.

Le narrateur, Pacsi et son cousin Tayson terminent le bac. Ils suivent aussi une curieuse préparation pré-militaire. Sans doute que les autorités tant politiques que l’état-major de l’armée attendent la bonne occasion pour récupérer leur province de Autofagosta perdue en 1883. Ce qui à coupé la Bolivie de son accès à la mer.

De ce fait, tout le roman est traversé par un racisme envers les Chiliens, les spoliateurs. Cette frustration gangrène la plupart des adultes. Sans que jamais ils n’entreprennent la moindre action pour espérer le retour de leur bien. Un oncle trafique même à la frontière chilienne sans état d’âme.

Quant aux deux lycéens, ils s’intéressent à leurs condisciples féminines de l’entraînement avant toute chose. Sinon, ils se servent de leur téléphone portable pour passer le temps en le dilapidant. Ils se filment pour n’importe quel prétexte et publient leurs “exploits” sur les réseaux sociaux.

Le reste du temps, ils le gaspillent à consommer de la drogue, ou à chercher des aventures sexuelles sans lendemain ou encore ils s’illusionnent dans de vaines discussions. Manifestement les préoccupations des adultes ne les concernent pas.

Seul Tayson, le cousin, s’intéresse à la K-pop, sans doute une réminiscence des seize années passées à Sao Paulo.

Dans ce premier roman d’apprentissage, où les perspectives d’avenir pour la jeunesse sont réduites à bien peu, on retrouve un peu l’ambiance de La Ville et les Chiens, de Vargas Llosa. Sans toutefois qu’il atteigne l’intensité de celui du prix Nobel.

La vie sur place n’offre aucun débouché viable pour cette famille. Le choix est donc vite arrêté, soit on vivote comme Tayson et Dino, un autre compagnon de galère, soit on s’en va comme Pacsi à la fin du roman pour échapper à la désillusion d’une vie figée avant d’être vécue. L’auteur, lui-même enseigne au Brésil. C’est dire le peu d’espoir offert par l’état colombien à sa jeunesse.

Le style est amusant et incisif ce qui donne un certain rythme à cette ambiance plutôt morose. Les nombreux personnages créent une société débridée sans qu’on s’attache outre mesure à l’un d’eux. La vie passe comme on tourne les pages du roman, sans guère d’émotion.

D’ailleurs, une citation de l’auteur résume admirablement bien le contexte du livre : « l’Argentine est une tentative ratée d’Europe, le Brésil est une tentative ratée d’États-Unis… La Bolivie est une tentative ratée de ne pas être la Bolivie. » Tout est dit. Et Séoul dans tout ça ?

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Séoul, Sao Paulo de Gabriel Mamani Magne, 160 pages, 19 €, éd. Métaillié. En librairie depuis le 11 avril 2025.

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