La femme de Gangnam de Lee Hong paraît chez Decrescenzo éditeurs.

Gangnam est un quartier de Séoul où vivent les icônes de la pop culture coréenne. Mais c’est aussi le véritable centre névralgique du capitalisme du pays du matin calme. Et la jeune autrice Lee Hong y est née et y a été élevée. C’est dire si elle connaît parfaitement cette brillante enclave.

La femme, c’est Oh Mina, la quarantaine triomphante. Elle semble être au sommet de sa réussite : elle anime un talk-show réputé, est une autrice à succès et partage sa vie avec le beau John, dans un appartement luxueux de Gangnam bien sûr.

Cependant, quelqu’un cherche à la terrifier. Ne vient-elle pas de trouver, sur sa voiture, ce message fatidique : « Tu vas mourir bientôt » ? À partir de ce moment-là, le roman remonte, peu à peu et dans un désordre savamment orchestré, le fil de sa vie. Et c’est peu dire que les tragédies l’ont jalonnée. De sa mère sauvagement assassinée à son époux bizarrement suicidé, en passant par son fils enlevé, la barque est très chargée.

Mais le plus intéressant est que Oh Mina n’est jamais très loin de tous ces malheurs. Sans parler de l’ambiguïté de sa relation avec l’amant de sa mère. Sa mère d’ailleurs à qui son chirurgien esthétique de père l’a fait ressembler à s’y méprendre… La narration induit alors une mise en abyme entre la mère et la fille dans une intrigue en poupées russes.

Avec un réalisme au couteau, Lee Hong inspecte les aspects sombres de son héroïne aux allures de Machiavel au fémininin. Elle plonge ainsi le lecteur dans un récit vertigineux. Malheureusement, il est desservi parfois par une traduction maladroite, émaillée par moment de jolies trouvailles. Comme ce « Mayonnaise Oh Mina » que prononce la petite fille de 9 ans, mal à l’aise avec l’anglais, lors des Jeux asiatiques de 1986. Et après avoir traîtreusement évincé sa petite camarade devenue concurrente.

Car c’est bien cette pression intenable que veut dénoncer l’autrice dans son style chirurgical. Cette société de la performance, hyper compétitive, finit par accoucher de monstres. L’exploration des racines du mal est totalement glaçante car dénuée de morale et d’empathie.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

La femme de Gangnam de Lee Hong, 196 pages, 22€, Decrescenzo éditeurs.

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