L’âge d’or du voyage, au Japon, coïncide exactement avec l’ère Meiji, de 1868 à 1912. L’ordre féodal qui régnait auparavant avait totalement isolé l’archipel du reste du monde pendant plus de 200 ans. Avec l’ouverture imposée d’abord par les Américains puis par la volonté de se moderniser, le Japon devient une destination moins isolée et même attrayante pour les globe-trotters. Le mot a d’ailleurs été inventé à Yokohama durant cette période ! L’essor de la chambre noire faisant le reste, le chercheur spécialiste Sebastian Dobson et l’iconographe Sabine Arqué ont rassemblé des photographies anciennes colorées à la main et des photochromes colorés qui dévoilent le Japon des années 1900.
Les auteurs invitent le lecteur à un voyage spatio-temporel à travers plus de 700 photographies d’époque avec des commentaires et explorant diverses thématiques caractéristiques comme le thé, les sushis, la soie ou le bouddhisme. Le voyage se poursuit du sud au nord, de l’île de Kyushu avec l’enchanteresse Nagasaki aux régions sauvages et reculées des Aïnous d’Hokkaido. Des itinéraires à travers 5 régions pointent ainsi les merveilles à découvrir.
Les textes d’introduction de chaque partie se lisent avec plaisir tant ils expliquent finement l’état d’esprit de l’époque. Ils parfont l’immersion que procurent les photographies, parfois d’une précision picturale absolument artistique.
« Une vision idyllique du Japon encore à l’état de société traditionnelle, pré-industrielle.» résume Sebastian Dobson. À l’image même d’Edo devenue Tokyo, où coexistaient avec bonheur les rendez-vous saisonniers des cerisiers au printemps, des érables à l’automne qui « figuraient au calendrier tokyoïte comme dans l’almanach édoïte ».
Un plaisir à la fois esthétique et érudit. Magnifique !
Et comme en prolongement, même si l’exposition de la Maison de la Culture du Japon se termine aujourd’hui, il reste le catalogue Tokyo Naissance d’une ville moderne, estampes des années 1920-1930 du Edo-Tokyo Museum. Les éditions Gourcuff Gradenico rendent compte donc des métamorphoses de Tokyo après le tremblement de terre de 1923, dans la région du Kantô qui détruisit 40 % de la ville. Ce ne sont plus les photographies mais les estampes shin hanga (estampes nouvelles) et sôsaku hanga (estampes créatives) qui en donnent toute l’ampleur et montre par là même l’évolution de la gravure sur bois. Urbanisation, occidentalisation et culture de la consommation accompagnent cette modernisation avec l’apparition des grands magasins, des cafés et autres lieux de divertissement. Une centaine de pièces totalement inconnues en France font de ce catalogue une rareté.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Japan 1900 a portrait in color de Sébastien Dobson et Sabine Arqué, édition trilingue (anglais, allemand, français) 24 X 35 cm, 536 pages, 75€, Taschen 2025.
Tokyo Naissance d’une ville moderne, estampes des années 1920-1930 du Edo-Tokyo Museum, 176 pages, 28€. Ed. Gourcuff Gradenico.