Ajisaï d’Aki Shimazaki paraît aujourd’hui aux éditions Actes Sud.

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Avec le mois de mai, le nouvel Aki Shimazaki paraît ! Ajisaï est le 1er opus d’un nouveau cycle romanesque. Le dernier en date était la tétralogie d’Une clochette sans battant  (1).

Ajisaï c’est l’hortensia. Et tout le roman tourne autour de cette fleur. Que ce soit le temple éponyme en raison de son jardin qui en contient des milliers, le roman d’amour que le jeune narrateur envisage d’écrire et qu’il intitulera : Madame Ajisaï en raison de la sensualité que lui évoque la beauté de ces boules colorées, ou celui qu’il a déniché dans « une boutique de livres d’occasion » avec une femme mystérieuse vêtue d’un kimono « aux motifs de fleurs d’hortensia » sur la couverture. Ou bien encore « le roman français d’un écrivain japonais » : Les larmes de l’hortensia » dont on ne dira rien encore.

Le narrateur Shôta est donc un étudiant en lettres qui se trouve bienheureux de pouvoir suivre sa licence sans avoir à faire plusieurs arubaïto, comme son ami Ben, pour payer ses études. En effet ses parents pourvoient à ses frais. Et il vit tranquille à Kamakura, à une heure du tumulte de Tokyo. Très pragmatique, il réfléchit beaucoup à sa situation, se projette dans son avenir proche : aller en maîtrise, puis faire un doctorat, comme le lui a conseillé un de ses professeurs, et écrire en parallèle.

Un avenir tout tracé donc qui est tout à coup ébranlé par la faillite du grand magasin de son père. Shôta, toujours très prévoyant, multiplie alors les petits boulots et, tandis qu’il pensait devoir déménager de son paradis tranquille, se voit proposer un job d’housesitter. En effet, la famille Oda habite Tokyo et possède une maison secondaire à Kamakura. Shôta la gardera et sera logé gratuitement dans le pavillon contigu. C’est inespéré pour l’étudiant nouvellement désargenté. En outre, Mme Oda ressemble étrangement à sa Madame Ajisaï. Il en tombe définitivement amoureux dès le premier regard.

Japonaise vivant à Montréal, Aki Shimazaki écrit toujours en français des histoires toutes japonaises. Comme dans ses précédents cycles, on retrouve son style minimaliste avec une acuité du quotidien et de l’intime. Elle est presque ennuyeuse d’ailleurs dans la 1ère partie du roman à l’image de cet étudiant bonhomme. Mais les éléments se mettent en place pour donner une photographie très contemporaine de l’université et de la littérature sous ses différents aspects : monde étudiant, débouchés, carrières, écriture, édition… Et surtout pour déjouer la notion de destin. La libraire , Mme U, donne la clé du mécanisme : « C’est intéressant de voir comment les choses tournent dans la vie. »

On mesure l’extrême dextérité d’Aki Shimazaki à manipuler aussi la mise en abyme. Elle est partout, donnant ainsi son thème aux mille reflets au roman : une femme noble mariée, avec enfant (Clara Schumann, Mme Oda, Mme Ajisaï ou même Anna Karénine) tombe éperdument amoureuse d’un homme beaucoup plus jeune qu’elle (Johannes Brahms, Shôta, un élève, l’officier). Bien d’autres exemples encore sont à l’œuvre dans Ajisaï, mêlant ainsi réalité et fiction à l’instar du journal intime que Shôta entreprend d’écrire et qui deviendra la matrice de son 1er roman. On en a le tournis ! Et c’est un bonheur de lecture. On a hâte d’être en mai prochain !

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) Lire nos chroniques sur asiexpo.fr

Ajisaï, Aki Shimazaki, 176 p., 16,50 €, éd. Actes Sud. En librairie le 7 mai 2025.

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