Le ciel de Tokyo d’Émilie Desvaux paraît chez Rivages.

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Au cœur du vieux quartier populaire d’Asakusa (« herbe rase » en japonais), à Tokyo, se niche la Gaijin House, telle un palais en ruine. C’est une pension bohème où se réfugient les étrangers pour quelques jours, halte rapide au sein de leurs pérégrinations.

Mais certains y restent plus longtemps. Ainsi nous faisons la connaissance de Camille qui s’est enfuie de chez elle au lendemain de son mariage, sans trop savoir pourquoi. De même Christophe, alias Lénine ou bien Cristoforo ou encore Chris qui change de prénom selon les circonstances et son humeur, beau gosse, un peu gigolo et qui ne sait pas non plus très bien ce qu’il fait là. Et puis il y a Flavio, le Brésilien érudit, venu au Japon 7 ans plus tôt pour soutenir sa thèse sur la poésie classique des tanka. « Décortiquer les œuvres littéraires est son violon d’Ingres ». Il fait accessoirement office de secrétaire à la Gaijin House, au vu de son ancienneté dans la maison !

Ce sont les liens qui se tissent et se dénouent entre ces 3 personnages principaux et les autres gaijins des lieux qui constituent l’intrigue du roman d’Émilie Desvaux. En effet, Camille, Lénine et Flavio ont ce point commun de se sentir étranger à leur propre existence, de se dérober à leurs responsabilités. La Gaijin House semble bien être l’unique point fixe auquel chacun se sent arrimé en cette année 2004. Arriveront-ils à s’en défaire pour construire un avenir qui soit le leur ?

L’écriture d’Émilie Desvaux donne non seulement vie à ces personnages à la fois chancelants et tellement attachants, mais aussi aux lieux qu’ils traversent. Ses descriptions inspirées des quartiers comme celui d’Asakusa, mais aussi de Shinjuku, d’Ueno ou de Shimoda ou encore du Brésil de Flavio sont totalement immersives. Comparaisons et métaphores mêlent ainsi les personnages à leur environnement : « Les rues comme des pensées ».

Le style pénètre leur âme par un point de vue omniscient. Sans romantisme ni mièvrerie, il est plutôt réaliste et radical. L’écriture est fluide et capte vivement l’attention. Le lecteur se retrouve ainsi plongé dans un Tokyo protéiforme qui vit au rythme des saisons avec ses fêtes et ses traditions, mais loin des clichés et des sentiers battus. La ville est un personnage à part entière et comme le souligne Camille, à chacun son Tokyo ! De très belles pages aussi sur la notion du temps : « le temps n’est pas le même d’un bout à l’autre de la ville – stagnant à Asakusa, croupi autour d’Ikebukuro [….] Le temps se recueille à Machiya, comme en une vasque de pierre ».

Une belle découverte sachant que l’autrice n’avait pas publié de roman depuis plus de 10 ans.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Le ciel de Tokyo d’Émilie Desvaux, 220 p., 20 € éd. Rivages. En librairie le 2 janvier 2025.

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