L’idée est de donner un nouveau souffle aux textes des lauréats du plus prestigieux des prix journalistiques français : le prix Albert Londres, en s’appuyant sur une création originale et contemporaine en bande dessinée. Dixit le dossier de presse. Et pour inaugurer ces albums « Albert Londres » la figure tutélaire d’Henri de Turenne semblait s’imposer. Lui qui remporta le prix éponyme pour sa couverture de la guerre de Corée, entre juillet 1950 et mars 1951 pour le Figaro. Voici donc le 1er opus d’une série déjà bien esquissée (1).
Pour Henri de Turenne Sur le front de Corée, sa veuve a donné accès à Stéphane Marchetti aux mémoires de son époux encore inédits. Ils lui ont permis de contextualiser les scènes avec précision et de donner accès aux préparatifs des reportages, le making off en quelque sorte, qui est très peu abordé d’habitude.
L’album est un savant mélange de scènes d’action, comme celle qui inaugure « in medias res » l’ouvrage, dans le noir total de la pleine nuit et qui prend le lecteur à froid. Ainsi que toutes celles qui montrent la confrontation avec les soldats nord-coréens mais aussi celles qui mettent en scène la saleté de la guerre avec la boue, les poux, la poussière et le froid.
Et puis tout le métier de reporter de guerre est bien campé : la rédaction des articles, leur envoi au bureau de l’AFP de Tokyo avec la très professionnelle et efficace secrétaire Yoshi Takata qui invitera bientôt Henri et son compagnon d’arme Philippe Daudy chez elle. Les difficultés logistiques inhérentes sont aussi bien montrées ainsi que la déontologie et la solitude de chacun. Henri de Turenne, témoin d’exécutions sanglantes décide de ne pas écrire sur ces horreurs, cela l’aurait rendu complice. Son confrère américain « tient son histoire » qui fera la une du New York Times et remportera le prix du meilleur article de l’année.
Mais il y a aussi des scènes beaucoup plus légères dans l’album. Comme durant ce séjour de quelques jours de repos à Tokyo. Son autre compagnon d’arme Jean-Marie de Prémonville est pris pour Jean Marais, « grande vedette française au Japon » à l’époque ! Sa mort, quelques mois plus tard, au milieu d’une patrouille de Rangers, raflée au sommet d’une colline par une rafale de mitrailleuse, illustre, cependant, le lourd tribut payé par les journalistes de guerre.
Le dessin de Rafael Ortiz mis en couleur par Hiroyuki Ooshima est très réaliste et efficace. Il donne à voir la violence de la guerre sur les visages, sur les décors.
Une très bonne entrée en matière sur le métier de journaliste et plus précisément sur celui de correspondant de guerre qui en est le plus dangereux aspect.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Quatre autres albums sont actuellement en cours de réalisation dont un de Doan Bui et Damien Roudeau : Les fantômes du fleuve. Nous en reparlerons…
Henri de Turenne Sur le front de Corée : dessin d’Ortiz et scénario de Marchetti, 120 pages, 26 euros, collection Aire Libre, éd. Dupuis.