Absolution d’Alice McDermott est paru aux éditions de la Table ronde.

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Il pourrait s’appeler « Femmes entre elles ». En effet Absolution d’Alice McDermott met en scène la communauté des épouses des expatriés américains de Saïgon pendant la guerre du Vietnam. Comme elles s’ennuient terriblement, elles cherchent des occupations, se lient d’une amitié pas toujours sincère, se surveillent aussi et se jalousent. Le shopping est le sujet principal de leurs conversations !

C’est dans cette communauté qu’atterrit bientôt Patricia, épouse d’un certain Peter, toujours hors champ de la narration, comme tous les époux du roman. Lors de sa première garden-party, Patricia donc, rencontre Charlène, mère de 3 jeunes enfants dont le dernier vomit sur la nouvelle arrivante !

Et cette mère représente tout ce que Patricia n’est pas et voudrait être : maîtresse femme, sûre d’elle et charismatique. En effet, elle est toujours pleine d’idées et, pour les bonnes œuvres, elle va mettre en avant la « Barbie saïgonnaise » sur une simple remarque de sa fillette Rainey et de Patricia.

60 ans plus tard, cette dernière est désormais veuve et habite Washington. Rainey l’a contactée pour qu’elle lui raconte ces années de son enfance à l’ombre de cette mère pas toujours tendre. Le roman s’égraine ainsi dans de longues lettres entre passé exotique, en marge de la guerre et présent souvent douloureux.

Une réflexion sur la condition des femmes, leur conditionnement aussi et l’évolution de leur place dans la société se fait jour derrière l’attention minutieuse d’Alice McDermott à la vie de Patricia en particulier. D’extraction irlandaise, ouvrière, elle ne s’est jamais sentie à sa place au milieu de ces privilégiés, pas légitime. Idem avec son époux, elle se voulait « partenaire », elle n’était que potiche, « insignifiante ». Le « conte de fée » a vite tourné à la poisse, d’autant qu’elle ne parvenait pas à mener au bout ses grossesses.

Centrée sur le point de vue interne de Patricia, tout le politique, comme les hommes, reste hors champs. Des bribes de la guerre, du Vietcong parviennent cependant parfois à faire irruption.

C’est pourtant le personnage de Charlène qui, par la dualité de son caractère, attire l’attention bien plus que la transparente Patricia. Et c’est bien cela le paradoxe de ce roman : le centrer non seulement sur les femmes mais sur la moins « littéraire » d’entre elles ! Et l’on ne le lâche pas avant de l’avoir terminé. Qu’Alice MCDermott en soit absoute !

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Absolution d’Alice McDermott, traduit de l’anglais (U.S.) par Cécile Arnaud, 352 pages, 24€, éd. de la Table ronde. En librairie depuis le 29 août 2024.

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