Dans ce 10ème roman du maître incontesté du polar japonais, paru dans la collection « Actes Noirs », on retrouve Kaga Kiôichirô. C’est l’inspecteur nouvellement affecté dans le quartier de Nihonbashi, le Tokyo ancien (1). Il fait équipe avec son cousin Matsumiya sur une enquête qui semble assez vite résolue.
Un homme d’affaires : Aoyagi Takeaki meurt poignardé sur le pont de Nihonbashi au pied d’un qilin de pierre. Cette statue représente un cheval-dragon bien connu de la mythologie chinoise et des buveurs de bière japonaise ! Le mot peut ainsi se prononcer kirin en japonais, qui signifie aussi « girafe ». Ce qui aura son importance dans la suite du roman…
Très vite, un suspect se profile. C’est un jeune intérimaire dans le bâtiment qui se serait vengé de son patron. Dans sa fuite, il est renversé par une voiture et se trouve entre la vie et la mort à l’hôpital. On a retrouvé le portefeuille de sa victime dans l’une de ses poches !
Tout le monde se satisfait de cette résolution rondement menée, mais Kaga continue d’investiguer dans la maison d’Aoyagi, chez le jeune intérimaire. Ce dernier était sans ressources et blessé depuis son licenciement, sa compagne enceinte. Et l’on découvre les mécanismes de la réalité industrielle. La difficile vie des précaires, la non reconnaissance des accidents du travail et la toute puissance des entreprises apparaissent en filigrane derrière l’enquête.
La presse ne tarde pas à s’emparer du fait divers et la télévision se transforme en tribunal médiatique. Le patron apprécié devient le réprouvé. Puis l’histoire est aussi vite oubliée qu’elle a enflammé les plateaux.
Mais la réalité du crime se cache derrière un autre fait divers vieux de plusieurs années…
On apprécie toujours, dans cette nouvelle enquête, l’acuité d’observation et de déduction de Kaga qui fait notre admiration comme celle de son cousin. Dès le début du roman, le personnage est campé. Alors qu’il converse avec l’infirmière qui prépare pour lui la cérémonie anniversaire des 2 ans de la mort de son père, il se lève brusquement et va parler au vieil homme assis à une table proche. Rien qu’en l’observant, il a surpris une potentielle fraude au téléphone !
De même pour toutes les personnes concernées par l’enquête, il a le goût du détail qui paraît insignifiant. Sa façon de remonter l’origine des grues de papier de différentes couleurs est aussi hallucinante !
Le style est limpide. On suit les réflexions, les questions et le cheminement de l’esprit de Kaga. Sa méthode pointue ne laisse rien au hasard. Et l’ironie de l’auteur lui fait souvent dire que le policier se plie aux ordres de sa hiérarchie. Alors qu’il suit son idée coûte que coûte ! C’est flagrant lorsque, pour pouvoir boucler l’enquête, son chef l’oriente sur Yashima en coupable, Kaga veut et va prouver que ce dernier n’était pas au café avec Aoyagi ! De là, sa culpabilité est totalement remise en cause.
Et de rebondissement en rebondissement, comme en montage alterné, Keigo Higashino nous fait faire le pèlerinage des sept divinités du bonheur ! À lire absolument !
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) lire notre chronique du Nouveau : https://asiexpo.fr/le-nouveau-de-keigo-higashino-parait-chez-actes-sud/ et des autres titres de Keigo Higashino : https://asiexpo.fr/la-lumiere-de-la-nuit-de-keigo-higashino/ ; ; https://asiexpo.fr/les-miracles-du-bazar-namiya-de-keigo-higashino-parait-le-22-janvier/ ; https://asiexpo.fr/les-doigts-rouges-de-keigo-higashino-sort-chez-actes-sud/
Les sept divinités du bonheur, Keigo Higashino, roman traduit du japonais par Sophie Refle, 304 p., 23,50 €, collection Actes noirs, éd. Actes Sud. En librairie le 14 septembre.