Rejeté par sa femme, un peintre portraitiste abandonne tout pour partir, au hasard, sur les routes du Japon. Après plusieurs mois d’errance, il se voit offrir un atelier par un ancien condisciple des Beaux Arts dont le père fut un grand représentant du Nihonga (1). Un jour, son marchand lui fait une proposition mirobolante s’il accepte de réaliser le portrait d’un très riche et oisif voisin. Dans le même temps, il découvre fortuitement, au grenier de son refuge, un tableau caché du maître des lieux : le Meurtre du Commandeur. A la suite de ces 2 événements, la vie du peintre est totalement bouleversée par l’introduction du fantastique : les personnages du tableau s’introduisent dans son existence et inversement, lui-même est obligé d’éliminer un personnage du tableau ! Le tout raconté par le peintre lui-même.
A l’instar de 1Q84 et de La fin des temps, Haruki Murakami part du réel pour, progressivement, nous faire pénétrer d’autres mondes. De nombreux personnages se croisent, créent de multiples histoires dont le narrateur subit plus ou moins les conséquences. Mais surtout, le Meurtre du Commandeur est un livre somme où toutes les digressions sont l’occasion d’approfondir la réflexion de l’écrivain sur les différents arts qui lui tiennent à cœur : la peinture occidentale ou japonaise, la musique qu’elle soit jazz ou classique ainsi que le cinéma ou la littérature. Ce sont les passages les plus intéressants tandis que la narration, si elle est très maîtrisée et fourmillante, est plutôt classique.
Ce cheminement et ces parallèles entre les arts, il les poursuit dans un livre d’entretiens avec le chef d’orchestre Seiji Osawa intitulé De la Musique, Conversations (2). Il s’agit en effet, de 6 entretiens entre ces 2 amis qui mettent en évidence la force de création et la puissance de l’imagination. En effet, pendant 2 ans, ils dialoguent tour à tour sur les grands compositeurs, leurs interprètes, comparent des enregistrements mais parlent aussi de musiques de films, de salles de concert. Et l’on apprend ainsi à connaître ce grand chef d’orchestre ; Murakami nous en livre un magnifique portrait, mais pas seulement car, à travers sa folle passion pour la musique, il se dévoile très largement en parallélismes ou en oppositions à son ami.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) le Nihonga est la « peinture japonaise » selon les procédés traditionnels, en opposition au style occidental dans les années 1880 (ère Meiji).
(2) De la Musique, Conversations, traduit de l’anglais par Renaud Temperini, Belfond, 328 pages, 22 €, parution le 18 octobre.
Le Meurtre du Commandeur Livres 1 et 2, Haruki Murakami, traduit du japonais par Hélène Morita, Belfond, 450 et 480 pages, 23,90 € par tome, parution le 11 octobre.