Ôtsuki est, comme on dit , un homme à femmes. Ancien taulard, toxico et trafiquant de drogue, il ne brille guère qu’auprès de la gente féminine donc. Le reste du temps, il s’ennuie. Il n’a pas de travail et traîne dans les rues sans but défini. Un soir, par hasard, il croise un ancien collègue de travail (il en partit vite…) qui insiste pour lui présenter son maître, Kôyama Masamichi. Ce dernier, un prétendu calligraphe, lui montre un étrange film dans lequel se mélangent des scènes d’insectes et d’autres de pornographie mettant en scène une jeune femme (sa petite fille ?) avec un homme brutal. Le vieux libidineux lui demande alors de terminer le film en se concentrant sur les cheveux de Tomoé, la jeune femme en question.
Chose étrange : le vieillard connaît beaucoup d’éléments de la vie d’Ôtsuki. Notamment, pendant ses études, il fit un film expérimental. Puis après avoir abandonné l’université, il en fit un second dans une veine plus poético-intellectuelle. C’est ce qui convainquit Kôyama de l’engager. Après quelques réticences, il accepte, plus attiré par Tomoé que par le sujet de son film.
Une fois ce décor planté, Ôtsuki s’enfonce dans la déraison et l’obsession, sans parvenir à comprendre ce qui l’ui arrive. Aura-t-il le ressort physique et moral pour relever la tête ?
Ce roman d’une vive acuité sur les tourments humains nous happe de bout en bout. Son caractère éminemment inventif et la grande maîtrise narrative de son auteur séduit absolument. Il nous plonge dans un Tokyo à la fois bien réel, mais rempli des fantasmagories de plus en plus insaisissables tant pour le lecteur que pour son héros. Une multitudes d’évènements qu’il doit affronter surviennent d’on ne sait où, comme ce téléphone qui sonne alors qu’on le lui a coupér depuis bien longtemps. Ou bien ces visiteurs qui apparaissent chez lui en laissant des traces de leur passage sans qu’il sache de quoi il retourne.
Tout est invention dans ce récit jusqu’à la perversité particulière de nombre de ses personnages. Pas tendre avec ses ceux-ci, voire cruel avec Ôtsuki, l’auteur nous dévoile une noirceur humaine de plus en plus implacable dans un fatras d’interactions menées par des personnages troubles voire criminels. Car ce qui intéresse Hisaki Matsuura, c’est avant tout la nature humaine. Et plus que tout, l’intériorité de son héros.
L’essentiel du récit est échafaudé comme un roman de série noire, notamment avec ses énigmes métaphysique sur la nature du temps. Mais l’enquête se résume surtout à l’introspection d’Ôtsuki. Ce qu’il veut ou pas, ce qu’il maîtrise ou pas. En somme, quelle est sa place sur terre ?
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Le calligraphe, Hisaki Matsuura, traduit du japonais par Sylvain Chupin, 352 pages, 21,50€, éd. Rivages/Noir.