Quichotte de Salman Rushdie paraît chez Actes Sud.

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C’est dans une Amérique où désormais « Tout-Peut-Arriver » que Salman Rushdie nous éclaire sur un pays en décomposition avancée.

Inspiré par son illustre prédécesseur, un auteur de romans policiers, Sam DuChamp, crée son Quichotte. Il s’agit d’Ismail Smile, voyageur de commerce américain d’origine indienne, quelque peu dérangé et récemment mis à la porte par son patron. Il se lance alors dans un road trip pour rejoindre New York. Ses interminables voyages l’ont habitué à s’imprégner de nombreuses émissions de télévision toutes plus ineptes les une que les autres. Mais, c’est à travers elles qu’il se met en tête de conquérir sa « dulcinée ». Salma R. une vedette de la TV, justement, qu’il ne connaît même pas.

C’est accompagné de Sancho, un fils imaginaire qui se matérialise de par sa simple volonté, qu’il croise le racisme ordinaire, la drogue, la violence gratuite, l’addiction aux opioïdes ou les réseaux sociaux aux emballements irrationnels.

A travers son double récit emboité et tout au long du périple de « Smile », Rushdie égrène les maux d’une société de plus en plus incohérente ; en passe de sombrer dans une intolérance, qui demeure le seul lien de vie en commun. À l’instar de la TV, le pays est contaminé par le « réel irréel ». L’improbable devient concret et règne en maître sur les individus.

Sans prendre de gants, Salman Rushdie nous livre sa vision déstructurée d’un pays en totale perte de repères. Tout est exagéré à l’extrême. On retrouve par exemple, le dramaturge « Jonesco » en hôtelier d’une ville nommée « Berenger » envahie de mastodontes ! Le réalisme magique de ses précédents ouvrages, se transforme en une satire picaresque.

Bien que l’écriture soit parfaitement maîtrisée, la prolifération des situations sans queue ni tête, telles des métastases, gangrène inexorablement le récit. Si au départ on accepte volontiers de suivre l’auteur dans son acuité dévastatrice, la presque folie vers laquelle il tend, finit par détacher le lecteur. Et ce d’autant plus, que ce dernier comprend très vite de quoi il retourne.

Un texte très brillant à ne lire qu’à petite dose pour ne pas sombrer, avec l’auteur, dans un pessimisme sans fond.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Quichotte, Salman Rushdie, roman traduit de l’anglais par Gérard Meudal, 432 pages, 23€, éd. Actes Sud. En librairie le 2 septembre 2020.

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