Avec une précision de métronome, comme tous les mois de mai, Aki Shimazaki nous livre sa dernière création. C’est le dernier opus de son nouveau cycle romanesque, Une clochette sans battant, avec Urushi. Elle l’avait commencé avec Suzuran, puis Sémi, No-no-yuri et Niré (1). C’est sa 4è pentalogie après Le poids des secrets, Au cœur du Yamato et L’ombre du chardon.
Quelques années après la mort de Fujiko-San sa grand-mère et confidente, Suzuko raconte et se raconte. Fille de l’aînée des sœurs Niré : Kyoko, morte juste après sa naissance, elle a été adoptée par Anzu sa sœur cadette qui s’est remariée avec le père de l’enfant. L’adolescente va mainteant sur ses 16 ans et ne peut plus taire l’amour qu’elle voue à son frère Tôru, le fils d’Anzu, qui est donc son cousin en réalité ! De 11 ans son aîné, il est parti faire ses études supérieures à Nagoya et y a été embauché comme ingénieur automobile.
Supportant mal son absence, elle raconte avoir fugué à l’âge de 12 ans pour aller le voir dans son appartement de Nagoya. Elle l’y avait trouvé en compagnie d’un « collègue de [son] club de karaté et de sa petite sœur ». Ces 2 derniers personnages auront leur importance !
Mais pour l’heure, Suzuko s’occupe d’un moineau qu’elle a recueilli dans sa chambre car il a une aile cassée. Elle se sent doublement en phase avec ce petit être car leurs noms sont presque des homonymes suzume / Suzuko. Il est « un moineau blessé » comme elle : « une adolescente égarée ». Sur ces entrefaites, Anzu lui raconte qu’elle a vu, dans une émission télévisée, « un moineau qui parlait comme un perroquet ». Suzuko entreprend alors de l’entraîner patiemment.
Étant en dernière année de lycée, elle s’interroge aussi sur ses études. Tôru, beaucoup influencé par sa tante Kyoko, qu’il estimait et aimait, l’a initiée à l’art et elle aime beaucoup aller au musée. Un atelier va même l’entrainer au kintsugi, autrement appelé « l’art de la résilience », comme une sorte de méditation. C’est une pratique artistique japonaise vieille de 4 siècles qui consiste à utiliser la laque de l’urushi, le laquier du Japon, et de la poudre d’or pour réparer les céramiques cassées. « Ce n’est pas une simple réparation. Il s’agit d’une création. Un art. » pense Suzuko avec sagacité. Elle décide ainsi de nommer son moineau Urushi.
Le décor et l’intrigue sont plantés. Le style minimaliste d’Aki Shimazaki, avec son acuité du quotidien, de l’intime et de la nature, fait le reste. Suzuko nous enchante avec son franc parler et son caractère bien trempé.
Japonaise vivant à Montréal, l’autrice écrit en français des histoires absolument japonaises et pourtant tellement universelles. En nous donnant la clé de la clochette sans battant, elle clôt son grand œuvre sur l’amour, la famille et l’art de la consolation écrit avec la fraîcheur de la jeunesse.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique sur Suzuran : https://asiexpo.fr/suzuran-daki-shimazaki-parait-chez-actes-sud/, celle sur Sémi : https://asiexpo.fr/semi-daki-shimazaki-parait-aux-editions-actes-sud/ , celle sur Yo-no-yuri : https://asiexpo.fr/no-no-yuri-daki-shimazaki-parait-aux-editions-actes-sud/ et celle sur Niré : https://asiexpo.fr/nire-une-clochette-sans-battant-daki-shimazaki-parait-aux-editions-actes-sud/
Urushi Une clochette sans battant , Aki Shimazaki, 144 p., 16 €, éd. Actes Sud. En librairie le 1er mai 2024.