Une soupe à la grenade de Marsha Mehran paraît aux éditions Picquier.

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Suite à la prise de pouvoir par l’ayatollah Khomeini, trois sœurs iraniennes fuient le joug islamiste. Après de nombreux déplacements et exodes, notamment à Londres, elles s’installent dans le petit village irlandais de Ballinacroagh situé dans la la baie de Clew. Grâce à cet anonymat, elles échappent définitivement au mari de la cadette Bahar qui veut la ramener en Iran. L’aînée, Marjan, loue alors une ancienne pâtisserie italienne pour se lancer dans la cuisine de son pays natal.

Bien que très exotique ou à cause de cela, un nombre appréciable de fidèles fréquente le lieu. Jusqu’au curé, qui se laisse ensorceler par les senteurs irréelles des plats. Sans parler de leur pire ennemi qui veut récupérer leur local pour en faire un club disco. Il succombe, lui aussi à la soupe à la grenade, mais de façon plus amère, toutefois…

L’autrice Marsha Mehran est iranienne bien sûr. Alors qu’elle avait deux ans ses parents aussi ont fui la révolution islamique. Sans être une autobiographie, Une soupe à la grenade, sous-tend les multiples déracinements qu’elle a eus à subir. Toutefois, la nostalgie n’est pas sa tasse de thé. L’humour occupe une place prépondérante dans l’ouvrage. Car plus que tout, l’autrice veut montrer la gaieté et la vitalité caractéristique des Iraniens et de la culture perse. C’est donc, au travers de la cuisine transcendée par la littérature, qu’elle nous fait partager les souvenirs les plus heureux de son enfance.

En effet, la cuisinière de son histoire nous détaille les succulents mets qu’elle prépare. Mais en plus, l’autrice glisse entre chaque chapitre une recette emblématique telle la soupe à la grenade, mais aussi l’abgoost à base d’agneau ou encore le dought, une boisson fermentée au yaourt et bien d’autres merveilles à découvrir.

Si la cuisine de l’autrice est multiple et surprenante, son ouvrage n’est pas en reste. Elle nous gratifie d’un récit déstructuré parfaitement maîtrisé. On y trouve un riche éventail de citoyens irlandais, mais aussi des Iraniens et une vieille veuve italienne des plus attachantes. Ils retiennent toute l’attention du lecteur. Marsha Mehran nous fait découvrir le pittoresque des relations humaines de ce village perdu sans jamais s’en moquer. Bien au contraire, son regard pertinent et humaniste nous incite à croire que nous en faisons partie.

À n’en pas douter, la cuisine est le meilleur moyen de démontrer que les humains ont des trésors à partager. Il n’est pas étonnant que ce premier roman, écrit à 27 ans, en 2004, ait connu un succès immédiat. Il est en effet traduit en 15 langues et publié dans 20 pays. Décédée en 2014, Marsha Mehran a laissé 2 autres romans.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Une soupe à la grenade de Marsha Mehran, roman traduit de l’anglais par Santiago Artozqui, 300 p., 21€, éd. Picquier. En librairie le 19 août.

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