Une rose seule de Muriel Barbery paraît chez Actes Sud.

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Rose a 40 ans. Elle est revêche, amère et même en colère. À sa mort, son père, qu’elle n’a pas connu, a laissé une lettre à son intention. Elle doit se rendre à Kyoto pour l’ouverture de son testament. Alors elle rechigne, elle regimbe ; mais débarque tout de même. De temples en jardins, de rencontres en émotions, le voyage se fait initiatique. Sous la guidance de Paul, l’assistant du père défunt, Rose seule devient moins renfrognée, s’ouvre peu à peu à son histoire confisquée, à ses origines pour enfin accéder à sa propre vie.

La ville de Kyoto apparaît ici en majesté avec ce qu’elle recèle de lieux cultes comme la villa Katsura (1) et son pin qui empêchait qu’on l’aperçût en entier. Le temple bouddhiste Shinnyo-dô, ce « lieu d’esprit », le cimetière de Kurodani ou encore le Ryôan-ji forment un itinéraire introspectif qui métamorphose notre quadragénaire dépressive, agressive en une femme prête à se risquer à vivre.

Muriel Barbery a le sens de la formule et son style fluide est d’une esthétique incontestable. Le livre est donc très agréable à lire. Dans les jardins du Kôtô-in, Paul, le guide qui a déjà beaucoup souffert, explique à Rose que la vie est transformation :« Ce que vous regardez ici, c’est l’enfer devenu beauté. » Lorsqu’elle parle de Maud, la mère de Rose à la mélancolie chronique : « Elle habitait son chagrin comme un renard sa tanière ».

Comme mis en abyme, ce voyage initiatique de Rose est aussi proposé au lecteur sous la forme de courtes introductions à chaque chapitre donnant l’origine de leur titre et sa structure au roman. Autant de paraboles qui sont des leçons de vie : « J’ai attendu longtemps dans le dénuement. Maintenant la fleur de prunier est en moi » disait le poète Issa à qui l’on demandait pourquoi il allait voir le carré de 2000 pruniers d’un temple non pas lorsqu’ils fleurissaient mais lorsqu’ils « étaient encore noirs et nus, dépourvus des fleurs qui, plus tard embaumeraient alentour ». Ou bien l’histoire du fameux pin de la villa Katsura comme une métaphore de la vie qui s’offre à nous en totalité mais que nous ne percevons qu’au travers de perspectives successives.

Un bel exemple de résilience soutenu par toute la philosophie extrême orientale.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) Lire notre chronique https://asiexpo.fr/katsura-et-ses-jardins-un-mythe-de-larchitecture-japonaise-de-philippe-bonnin-sort-aux-editions-arlea/

Une rose seule, Muriel Barbery, format 11,5 X 21,7. 160p., 17,50€ numérique, 13,99€, coll. Domaine français, éd. Actes Sud.

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