Pendant le mois de juin, une rétrospective de Seijun Suzuki a été organisée à l’occasion du 10e anniversaire de la Maison de la culture du Japon à Paris. Une trentaine de films dont une dizaine d’inédits ont permis au public français de découvrir un mythe du cinéma japonais encore peu connu en France.
Adulé par Quentin Tarantino, Wong Kar-wai et Jim Jarmusch, Seijun Suzuki (dont le véritable prénom est Seitarô) a toujours été un marginal du cinéma japonais. Né à Tokyo en 1923, quelques années avant la fin de l’ère Taishô, le jeune Seitarô a beaucoup fréquenté le Kabuki, théâtre japonais traditionnel. Il a pris goût au cinéma à 18 ans avec des films comme La règle du jeu de Jean Renoir et Le dernier jour du château d’Edo d’Hiroshi Inagaki. Parti combattre pour son pays entre 1943 et 1945, cette expérience de la guerre a déterminé son approche cinématographique singulière de la violence. En 1948, il débute comme assistant au studio Shochiku. Il travaille ensuite pour le studio Nikkatsu où il réalise en 1956 son premier long métrage : La victoire est à nous. De 1956 à 1967, il réalise 40 films où il développe un style qui sera sa marque de fabrique. Ses créations de plus en plus extravagantes effraient Nikkatsu et il est exclu du studio après l’échec commercial de La marque du tueur (1967). Après une période difficile de dix ans, il est enfin de retour avec un chef-d’œuvre Histoire de mélancolie et de tristesse (1977). Quarante ans après ses début au cinéma, il est reconnu mondialement et une rétrospective lui sera consacrée à Rotterdam dans les années 1990. En 2001, il réalise Pistol Opera et à 82 ans Princesse Raccoon en 2005.
On découvre dans les films de Suzuki des emprunts à l’art traditionnel Kabuki, qui se caractérise par son usage de gros plans et de décors théâtraux, et par son traitement audacieux des couleurs. Il habille les prostituées de couleurs criardes dans La barrière de chair (1964), sans que cela ne paraisse inhabituel ou manquer de naturel. Il fait mourir son héros sous une chute de gros flocons de neige rouges dans la dernière scène de Détective bureau 2-3 (1963). Cette esthétique flamboyante confirme sa créativité et son anticonformisme.
Grâce à cette rétrospective, on sait désormais que le cinéma japonais a donné ses meilleurs auteurs au sein même des contraintes économiques des studios des années 1950 et 1960. Seijun Suzuki est non seulement un maître de série B, mais aussi un artisan remarquable pourvu d’un sens du cinéma et d’un plaisir de faire hors du commun.
Paris, Juillet 2007
Pays : Japon