À travers l’éducation de Jjang-a, qui est la narratrice, nous suivons les destins croisés de Bongsun et le sien. De douze ans son aînée, Bongsun s’est réfugiée dans la famille de Jjang-a pour sauver sa vie. Elle était maltraitée et affamée chez un diacre où elle servait d’esclave. Bon gré mal gré, elle est acceptée en tant que bonne et non comme l’égale des autres enfants dont elle doit s’occuper. Ce n’est qu’avec Jjang-a la cadette qu’elle noue des liens de sororité. Elle est la première à l’avoir vue au sortir du ventre de sa mère, ça crée des liens ! En effet, Jjang-a ne l’appelle-t-elle pas « ma très chère grande sœur » ? Sans doute, les histoires que raconte Bongsun à la petite fille, l’éveillent au monde des adultes avec une perspicacité qui fera d’elle une écrivaine reconnue en Corée. De son côté, Bongsun bien qu’attachée à cette famille, voit sa vie se fragmenter dans diverses aventures amoureuses qui la laissent à chaque fois sur le carreau. Cependant, le sourire toujours aux lèvres, elle revient vers sa « petite sœur » avant de repartir vers une nouvelle déconvenue, opiniâtre et indestructible.
Par petites touches précises et pertinentes, l’autrice nous immerge dans la Corée des années soixante. Grâce à la ténacité des parents de la petite fille, leur niveau de vie s’élève à l’instar de celui de tout le pays.
Mais c’est surtout la condition féminine qui est au centre de ce roman. En fonction de la situation économique, du milieu et de la soumission au système, chacune acquiert sa place tant bien que mal. Gong Ji-young épouse, dans son style sobre et descriptif, le cours inexorable des évènements .
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Ma très chère grande sœur, Gong Ji-young, traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Stéphanie Follebouckt, 240 pages, 7.50€, éd. Picquier poche. En librairie le 6 février 2020.