L’Usine d’Hiroko Oyamada paraît chez christian bourgois éditeur.

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Qu’est-ce donc que cette usine ? Le dernier roman d’Hiroko Oyamada. Endroit tentaculaire à l’image d’une ville contemporaine – peut-être Tokyo ? – dont un des personnages ne comprend même pas ce qu’elle produit.

Pourquoi les oiseaux noirs sur la plage sont-ils nommés par les employés : « des cormorans de l’Usine ». Comme s’ils étaient endémiques du lieu ? Et ces ragondins qui semblent tirer le plus grand profit des déjections déversées par ses réseaux d’égouts pour proliférer eux aussi sans limites. Tout comme ces lézards des lave-linge qui vivent dans deux blanchisseries de l’Usine. Que font-ils là ? Déjà bien étrange avec cette faune, l’Usine l’est plus encore quand elle s’occupe de recruter du personnel. Trois personnages passent un entretien avec le cadre Gotô, qui paraît toujours ivre, en vue d’obtenir un poste.

Yoshiko Ushiyama est ainsi embauchée comme contractuelle alors que l’annonce lui signifiait un CDD. Elle a fait des études de lettres mais s’occupera des déchiqueteuses. Idem pour Yoghi Furufué, jeune bryologue. Détaché de son université, il se voit résider dans une maison de l’Usine afin d’y végétaliser les murs et les toits. Sans aucune limite dans le temps. Que dire du troisième salarié qui passe ses journées à corriger des textes sans liens entre eux et parfois sans aucune faute !

Voilà donc l’univers particulier dans lequel nous plonge l’autrice japonaise pour son premier roman publié en français. Étrangeté qui n’est pas sans rappeler un de ses illustres aînés et compatriotes Kobo Abe et la femme des sables. S’il démarre sur le mode réaliste convenu : la vie dans une usine, il s’enfonce progressivement dans un milieu où tout devient incohérent.

La grande force d’Hiroko Oyamada, c’est son écriture impressionniste et une narration très neutre pour nous immerger dans un monde à fuir absolument. C’est ce que l’on voudrait crier aux protagonistes, tellement la catastrophe va irrémédiablement fondre sur eux !

Une œuvre noire pour des temps sombres. Comme si l’autrice avait pressenti ce qui nous arrive…

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

L’usine, Hiroko Oyamada, roman traduit du japonais par Silvain Chupin, 190 p., 18,50€, éd. christian bourgois éditeur. En librairie en janvier 2021.

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