Le Japon des femmes du IIe siècle à nos jours d’Ornella Civardi paraît chez Nuinui.

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Afin de rétablir une certaine égalité, à défaut d’une parité encore timide, entre la gente féminine et masculine, les éditions Nuinui nous régalent d’un somptueux ouvrage : Le Japon des femmes. Sur plus de cent quatre-vingts pages, nous y découvrons ou redécouvrons la vie extraordinaire de soixante femmes d’exception sur 20 siècles.

Divisé en deux grandes parties, le livre d’Ornella Civardi (1), nous éclaire sur le rôle des femmes dans la société japonaise tant par le passé que de nos jours.

La 1ère partie court du IIe au XIXe siècle. Le lecteur fait ainsi la connaissance de plusieurs héroïnes légendaires telle Jingû, la reine-prêtresse. Ce nom synthétise plusieurs souveraines ayant tenu les rênes du Yamato. C’est le nom indigène du Japon des temps anciens. Il découvre ensuite celles qui donnèrent leur vie pour leur noble époux, telle que Ototachibana hime, la victime sacrificielle ou Kozaishô, l’épouse exemplaire.

Le lecteur explore aussi le monde riche de la littérature féminine avec Ono no Komachi, la poétesse de la fragilité. Sans oublier Sei Shônagon(2), et son pertinent regard sur la vie de cour. Ainsi que Murasaki Shikibu, la première des romancières, il y a plus de mille ans. Ce qui fait de son Dit du Genji le premier roman avéré.

L’univers guerrier n’est pas oublié. En effet, jusqu’au XIIe siècle, du fait d’une certaine égalité entre les sexes, à la cour impériale, tout au moins, plusieurs héroïnes s’illustrèrent par les armes. Telles Akai Teruko, la nonne-générale ou bien Tsuru-hime, la Jeanne d’Arc japonaise, sans oublier Ikeda Sen, la mousquetaire ou encore Tomoe Gozen, la première femme samouraï. Les nombreuses ninjas des grands seigneurs leur permettaient aussi de soumettre leurs rivaux.

De même, le monde d u théâtre et de la danse. Le lecteur découvre que l’art majeur du Japon, exclusivement masculin depuis la période Edo, a été créé par une femme ! Izumo no Okuni la fondatrice du kabuki. Notre préférée reste cependant Shizuka Gozen, la danseuse de Yoshitsune ! À découvrir absolument !

De somptueuses estampes illustrent l’ensemble de cette longue période. Bien que moins connues, elles resplendissent grâce à la virtuosité du trait et à l’harmonie des couleurs des plus grands talents de l’ukiyo-e, notamment.

La seconde partie couvre l’époque moderne que l’on peut situer après la chute du Shogunat d’Edo en 1868. Trois guerrières s’y sont illustrées : Chiba Sanako, Nakazawa Koto et Nakano Takeko.

Avec l’avènement de l’ère Meiji, le combat des femmes devient politique et social. C’est l’heure des premières suffragettes telles Fusae Ichikawa et Raichô hiratsuka, ou bien Toshiko Kishida, la pionnière du féminisme. Et plus encore, la poétesse échevelée, Akiko Yosano. Au travers de sa vie et de sa poésie, elle revendique l’entière jouissance de son corps. Elle est considérée comme l’une des plus grandes poétesses japonaises de tous les temps. Elle serait même l’incarnation de la femme moderne par excellence.

Avec l’essor du 7ème art, plusieurs actrices majeures apparaissent aussi : celle d’Ozu Setsuko Hara, ou encoreKirin Kiki, la matriarche du cinéma japonais.

La fin de cette seconde partie explose de mille feux hétérogènes qui débouchent sur une conception de plus en plus kitch de la consommation artistique. À l’image de la culture pop de l’Archipel qui se trouve écartelée entre un passé luxuriant d’inventivité et un futur de plus en plus bouché. Ayano Otani et Kaori Yamaguchi agrémentent de leur style graphique opposé ces différents concepts.

L’ouvrage renverse ainsi le cliché de la femme japonaise circonscrite aux tâches domestiques. Il est à la fois salutaire et enthousiasmant !

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) Ornella Civardi est diplômée en Langue et Littérature orientales et spécialiste du Japon.

(2) Lire notre chronique sur Les choses qui rendent heureux de Sei Shonagon https://asiexpo.fr/choses-qui-rendent-heureux-et-autres-notes-de-chevet-de-sei-shonagon/

Le Japon des femmes du IIe siècle à nos jours d’Ornella Civardif, format 23 X 31 cm, 184 pages, 29,90€, éd.Nuinui.

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