Dans le Japon des années pop, l’écrivaine Suzuki Izumi et le saxophoniste Abe Kaoru ont vingt-quatre ans. Ils mènent chacun une existence marginale faite de délires et de jobs alimentaires. De 1973 à 1978, Ils vivent un amour sauvage et destructeur. Afin d’endormir leur mal être, ils se droguent continuellement. Ils vivent toujours dans une tension extrême qui les pousse à la violence. Kaoru est « génial et intransigeant avec sa musique ». Il cherche à atteindre la note absolue qui le délivrerait du quotidien qu’il exècre. Izumi en fait les frais, subissant ses exigences et ses crises à répétition. Elle le résume ainsi : « un homme qui avait vendu son corps à la drogue et à sa musique ». Il succombe d’ailleurs à une overdose.
« Je me lasse facilement. Pas seulement des hommes, de mon travail aussi. Je me fous de tout » C’est Izumi elle-même qui raconte sa vie et fait le récit de cet amour incandescent et suicidaire. Le point de vue est donc unilatéral mais aussi au cœur de son ressenti. Graduellement, la situation lui échappe et toute construction est vouée à l’échec. C’est ce que montre une écriture blanche et froide par rapport aux événements extérieurs à cet amour. La propre fillette du couple est nommée par sa mère : « la fille » comme si elle lui était étrangère ! Car en réalité, c’est cette seule relation, même mortifère, qui est toute leur existence et surtout celle d’Izumi. Même l’écriture qui était son moyen de subsistance, elle l’abandonne. Elle devient absente à elle-même une fois son amour disparu. L’écriture précise et pointue d’Inaba Mayumi ne laisse rien dans l’ombre, même des délires d’Izumi sous drogue.
Un beau roman sur une passion autodestructrice. Un style aussi retenu que son propos est explosif.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
« La valse sans fin » d’Inaba Mayumi, roman traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu,éd. Philippe Picquier, 144 p., 14€. En librairie le 22 août.