La jeune femme et la mer de Catherine Meurisse paraît chez Dargaud.

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Lointainement inspiré d’Oreiller d’herbe ou le voyage poétique de Soseki (1), La jeune femme et la mer est le fruit de deux résidences au Japon (2) de l’autrice de bandes dessinées Catherine Meurisse. Elle s’y met en scène. Au gré de rencontres réelles ou fantasmées, elle découvre un pays qu’elle ne connaît absolument pas. Elle est éblouie par ses paysages, étonnée par sa langue, sa culture et son art.

« J’aimerais peindre la nature » dit-elle d’emblée au tanuki, le facétieux chien viverrin qu’elle rencontre aux alentours de la résidence où elle loge entre mer et montagne. Décomplexé et plein de ressources, il lui tend un pinceau confectionné de ses propres poils et l’initie au shodo (3). Un peintre en mal d’inspiration et fasciné par l’Ophélie de Millais lui apprend les subtilités du haïku. Tandis que la tenancière d’une auberge thermale, la demoiselle Nami aux nombreux amants et maris, lui aiguise le regard et lui fait pénétrer les secrets des éléments. Une vieille femme sourde comme un pot lui confie aussi l’histoire de la Belle de Nagara qui, ne sachant lequel de ses deux prétendants choisir, rédigea un poème avant de se noyer.

Certains trouveront donc l’album un peu bavard. Au contraire, il transcrit au plus près cette « étrangeté familière » que l’autrice ressent au contact de l’intimité de ce pays. Elle a choisi de ne pas montrer la modernité du Japon, sauf ses « fameux WC… Merveille de technologie et de propreté ». Elle lui préfère sa nature et son esthétique.

C’est sur les traces d’Hokusaï, de son bleu de prusse et de l’ukiyo-e, sur celles de Miyazaki et de la luxuriance des paysages qu’elle se lance. La mise en couleur d’Isabelle Merlet magnifie les nombreuses vignettes pleine page qui rappelle les thèmes de prédilection de ces maîtres. De cette nature qui à la fois protège et détruit, rappelant ainsi à l’homme qu’elle a la préséance. Elle ne nous épargne pas les murs anti-tsunami qui défigurent le paysage. Mais elle en fait une réflexion sur la peinture. Elle qui permet de rassembler « Hanami » et « Nagori ».

L’album est donc d’une beauté exquise. Il ne se dépare pas pour autant de l’humour acerbe et rosse que l’on connaît à l’autrice.

Encore une belle idée cadeau !

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) lire notre chronique sur Oreiller d’herbe ou le voyage poétique de Soseki :https://asiexpo.fr/oreiller-dherbe-ou-le-voyage-poetique-de-soseki-sort-chez-picquier-poche/

(2) En 2018 Catherine Meurisse s’est rendue en résidence à la Villa Kujoyama et en 2019 sur l’île d’Iki.

(3) lire notre chronique sur cet art de la calligraphie : https://asiexpo.fr/shodo-lart-paisible-de-la-calligraphie-zen-japonaise-de-shozo-sato/

La jeune femme et la mer autrice : Catherine Meurisse, mise en couleur : Isabelle Merlet, 116 p., couverture cartonnée, quadrichromie, 22,50€, éd. Dargaud. En librairie le 29 octobre.

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