Rabindranath Tagore est un artiste complet : écrivain, musicien, plasticien… Il a reçu le prix Nobel de littérature en 1913. Et les 22 nouvelles présentées dans ce recueil sont autant d’éclairages portés sur la société indienne.
Toutes se passent à Calcutta, ville natale de Tagore, ou au coeur du Bengale, au tournant des XIXème et XXème siècles. L’essentiel est centré sur des petites filles ou des jeunes femmes. Elles subissent le système patriarcal : « l’histoire du ghât » et « l’enfant muette » ou encore « la dot » racontent des histoires de dot et de dette. Elles sont victimes des inégalités de genre : « Le cahier d’écolier » ou « le receveur des postes » relatent une éducation a minima, voire totalement absente pour les petites filles.
Mais Tagore porte surtout un regard perçant sur la société indienne gangrenée par l’argent comme dans « Le cerf d’or ». En filigranne, c’est le système de castes qui détermine la vie de chacun.
Toutefois, en grand humaniste, le romancier renverse parfois ce déterminisme sociétal pour rendre à l’individu son propre destin. Comme c’est le cas dans « Kabuliwallah » et « le retour de Khokâbabu ».
Malgré l’empathie de l’auteur pour ses personnages, l’issue est souvent malheureuse et criante d’injustice. C’est le côté dramatique qui sous-tend toute bonne nouvelle. Mais en dépit de cette noirceur des événements, Tagore réussit, par son regard délicat, à sonder les âmes. C’est cette intelligence du coeur qu’il met à l’oeuvre dans son écriture.
On retrouve ainsi, dans ces nouvelles, ce qui porte toute son œuvre : son combat pour la reconnaissance des droits universels des peuples et des individus. Trop souvent niés en Inde.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Kabuliwallah et autres histoires, Rabindranath Tagore, nouvelles traduites du bengali par Bee Formentelli, 336 p.,9,95€,éd. Zulma poche