La célèbre journaliste, Karyn Nishimura-Poupée reconnue pour son franc parler et ses investigations sans concessions publie un nouvel ouvrage, Japon, la face cachée de la perfection. Elle est aujourd’hui la correspondante de plusieurs médias français dans l’Archipel.
Pour un occidental, l’hermétisme nippon a toujours paru infranchissable. Résidente au Japon depuis 2002, l’autrice se fait fort de nous en donner quelques clés, au moins les plus fondamentales, sinon pour accepter, du moins pour comprendre l’état d’esprit japonais.
On ne saurait trop conseiller la lecture du chapitre six avant tous les autres. En effet, l’autrice y dissèque le fondement de la mentalité nippone : « l’être humain individuel s’oubliant au profit de sa fonction d’agent de la communauté. » Tout est dit.
Soumis à cette injonction non écrite, mais incontournable, chaque individu se voit imposer, sa vie durant, de « respecter les règles et tenir son rôle social. Cela signifie que chacun, par son travail, sa position, son statut, a une ou plusieurs attributions devant lesquelles doit s’effacer sa personnalité. » Sans qu’aucune soupape de sécurité ne vienne contrebalancer cette abnégation forcée. C’est dire la force mentale ou l’état de soumission des Japonais pour ne pas amorcer la moindre déviation.
Le domaine de la politique représente l’aspect le plus paradoxal de la vie démocratique dans l’Archipel. Depuis que les USA lui ont imposé la représentation parlementaire en 1947, un seul parti monopolise le pouvoir.
Au gouvernement, celui-ci, trop souvent, prend des mesures non conformes à la constitution. Qu’à cela ne tienne, les parlementaires à la botte, rendent la loi conforme aux desiderata des politiques. D’où le désintérêt des citoyens pour la tambouille des affaires publiques. En effet « une majorité de Japonais ne croit pas aux promesses et ils craignent le changement, d’où la continuité aux élections ».
Si, selon Karyn Nishimura-Poupée, le Japon est bien un des pays les plus sûrs du monde ; il n’en reste pas moins vrai que tout écart par rapport à la norme, là aussi, s’avère de votre responsabilité voire de votre faute. Même si c’est vous la victime ; surtout si c’est vous. Le journaliste Jiko Sekinin en a fait les frais.
C’est ce qu’à compris Shiori Ito (1), suite au viol commis par son supérieur hiérarchique à ses dépens. Il a fallu qu’elle se défende bec et ongle pour faire reconnaître cette agression. Ce qui advint tout de même. Pour autant, le coupable s’en est tiré juste par une compensation financière comme à l’ère Meiji. Ainsi, grâce à un fourmillement d’exemples plus parlants les uns que les autres, l’autrice décortique formidablement son pays d’adoption. Si elle encense les bons côtés, elle est sans concession pour les travers qui, lui semble-t-il, augmentent au gré des pertes de repères de la société.
La fluidité et la cohérence du propos donc font de cet ouvrage le meilleur vecteur pour appréhender l’envers de ce pays des plus énigmatiques pour l’Occident encore de nos jours. Car rétif à la mondialisation, l’état distille un double discours. L’un martial destiné à ses citoyens et l’autre des plus lénifiants afin d’amadouer ses partenaires occidentaux. Il est vrai, toujours prompts à faire la morale.
Gageons, toutefois, que face aux défis mondiaux, la population japonaise saura infléchir son gouvernement pour l’inclure dans une mondialisation apaisée.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Lire notre chronique : https://asiexpo.fr/la-boite-noire-dito-shiori/
Japon, la face cachée de la perfection, Karyn Nishimura-Poupée, éd. Tallandier.