Lancée en janvier 2013, la série Innocent s’acheva au bout de deux ans et de neuf volumes dans les pages du Young Jump. Pour autant, l’histoire dépeinte par Shin’ichi Sakamoto n’était pas encore arrivée à son terme, cet arrêt ne se justifiant que par une migration vers un autre magazine de l’éditeur Shueisha, le Grand Jump. Ainsi, le manga reprit pour ce que l’on peut qualifier de «seconde saison, avec un nouveau titre : Innocent Rouge. En français dans le texte !
Après avoir mis en valeur les physiques et le dépassement de soi dans Nés pour cogner ou Ascension, Shin’ichi Sakamoto laisse exploser toute sa sensibilité et son romantisme dans Innocent, qui retrace le parcours de Charles-Henri Sanson, maitre-exécuteur des hautes œuvres de Paris, reprenant un flambeau tenu depuis quatre générations. Soit un terme plus élégant que le sobriquet de « bourreau » ou de « faucheur » qui attribue aux siens une allure de famille maudite. En 1772, Charles-Henri a perdu tout contrôle sur sa sœur, l’exubérante Marie-Josèphe, depuis sa nomination au poste de la prévôté de l’Hôtel, à Versailles. Innocent Rouge s’ouvre quelques jours après la conclusion de la première saison, alors qu’Alain, premier amour de Marie-Josèphe, vient d’être assassiné. Marie jure alors de le venger, en renversant le système stupide qui a causé sa mort…
Innocent Rouge démarre ainsi tambour battant et sans ellipse narrative. Tout juste l’auteur prendra le temps de réintroduire ses protagonistes et les enjeux en cours pour renseigner le lecteur qui prendrait le train en marche, mais la lecture de la saison précédente reste plus qu’incontournable. Ainsi, la quête vengeresse de Marie débute en fanfare, via une confrontation directe avec le comte de Lux, meurtrier de son amour perdu. Si cette affaire trouve sa conclusion, il en restera la germination d’une graine de révolte préparant le terrain pour des faits historiques bien connus… Espérons seulement que Sakamoto ne réduise pas cette période à des enjeux et des quêtes aussi personnelles.
La suite du volume revient sur Charles-Henri, et nous fait (re)découvrir le caractère ambigüe et redoutable du héros, par le biais de son jeune fils Henri, appelé à lui succéder un jour. L’innocence du jeune garçon est ainsi confrontée à un monde de mort et de sang, et la figure de son père l’effraie au plus haut point. Mais le développement de cette relation sera particulièrement mis en valeur lors d’une scène d’accouchement sous césarienne, particulièrement graphique, et au rebondissement final radical. Cela nous ramène ainsi au début de l’histoire, lorsque Charles-Henri observait son propre père avec autant de méfiance et de rébellion face à un destin tout tracé. Le terrible cycle des Sanson se répète, inexorablement.
Après ces deux mises au point sur Charles-Henri et Marie-Josèphe, le dernier chapitre de ce dernier volume suggère différentes pistes pour les intrigues futures, entre complots et émancipations à la cour. Shin’ichi Sakamoto est attendu au tournant sur les plus célèbres événements de l’époque, déjà maintes fois racontées, même dans le registre du manga. Mais avec son style unique et grandiloquent, le mangaka devrait nous offrir un éclairage au lyrisme inédit. Difficile de ne pas s’en délecter d’avance, à moins d’être un historien extrémiste !
INNOCENT ROUGE (—) volume 1 de Shin’ichi SAKAMOTO (2015)
Historique/Drame, France, Delcourt-Tonkam Seinen, avril 2017, 208 pages, livre broché 7,99 euros