On connaissait déjà « Les cent vues d’Edo » d’Hiroshige, que les éditions Taschen avaient précédemment eu la bonne idée d’éditer dans un très bel ouvrage. Elles réitèrent avec, cette fois-ci, « Les soixante-neuf stations de la route Kisokaidô ». Le principe est le même : reliure à la japonaise, double page de format XXL qui rend honneur au magnifique travail de « meisho-e » : images de vues célèbres d’Hiroshige et d’Eisen. La Kisokaidô est une route montagneuse qui relie Edo (l’ancienne Tokyo) à Kyoto. C’était, au XIXè siècle, une route peu empruntée car difficile mais qui traversait les plus belles régions du Japon.
L’éditeur Takemouchi Magouachi commande à Eisen, au printemps 1835, une série d’estampes sur les différentes stations, points de passage obligé pour le contrôle des voyageurs, de la Kisokaidô. Mais les vicissitudes font qu’il doit s’associer à un autre éditeur Iseya Rihei qui embauche Hiroshige à la place d’Eisen qui en avait déjà composé 24.
Du pont de Nihonbashi à Edo à Otsu vers le lac Biwa, c’est une série de paysages pittoresques, de cadres bucoliques, dessinés la plupart du temps sur le motif, qui composent cette série. Ou bien des scènes typiques comme la fameuse pêche à l’ayu à Gôdo. Et l’on constate des différences de style et d’approche de la part des deux artistes. Eisen privilégie les individus, les scènes de genre comme dans Fukaya, scène crépusculaire de prostituées arpentant la rue ou bien attendant le client dans la maison close. Les paysages, il les accentue à son gré, exagérant le point de vue comme dans Nojiri où une simple rivière devient cascade et dynamise le décor.
Hiroshige valorise le paysage, toujours très présent dans ses compositions équilibrées, harmonieuses. Il se fait même lyrique comme dans l’estampe de la station Seba où deux bateliers poussent leur embarcation sous un ciel de crépuscule, avec la pleine lune, de grands roseaux qui bordent l’eau… Il aime rendre compte aussi de l’aspect et des coutumes des habitants rencontrés en chemin. La station Mitake est normalement située en plaine, mais il a préféré lui donner pour cadre une auberge située en haut de la colline, pension très modeste où « l’on paie le bois » avec nombre de personnages affairés à diverses activités jusqu’au coq se pavanant devant une poule indifférente. C’est souvent au travers d’un détail mis en avant qu’Hiroshige construit toute sa scène.
L’ouvrage est magnifique, véritable objet de collection à offrir sans restriction !
Camille DOUZELET
Hiroshige & Eisen. Les soixante-neuf stations de la route Kisokaidô Andreas Marks, Rhiannon Paget Reliure japonaise sous coffret, 44 x 30 cm, 234 pages, 99,99€, ISBN 978-3-8365-6548-6 (Anglais, Espagnol, Italien) ISBN 978-3-8365-3938-8 (Allemand, Anglais, Français).