Angleterre, 1900. Hanako, une jeune japonaise, a traversé la moitié du globe pour pouvoir rencontrer Victor Franks, son auteur favori. Elle veut présenter son propre roman à la personne qui lui a donné la force d’aller de l’avant par ses écrits. Malheureusement, la maison d’édition refuse de lui accorder une entrevue et elle est désespérée. Arrive alors une jeune noble, Alice. Celle-ci propose à Hanako de venir avec elle et de devenir sa nouvelle femme de chambre. La jeune japonaise est ravie : Alice est gentille, habite une belle demeure et a la même passion des livres qu’elle. A son contact et à ceux des autres servantes, Hanako comprend combien elle est généreuse et attentionnée. Néanmoins elle voit également que quelque chose lui pèse énormément…
« Hanako… tue-moi ! ». Les premiers dialogues sont tout de suite annonciateurs du vrai fond de l’histoire. Hanako est un personnage relativement positif : elle est pleine d’espoir, le contraste entre ce qu’elle est et sa nouvelle fonction est assez drôle, certaines de ses réactions sont amusantes. Étant noble, Alice a une attitude beaucoup plus réservée ; elle est néanmoins cultivée, aimable, proche de ses serviteurs et prête à aider. Une bonne partie des personnages, surtout du côté féminin, ont également des caractères agréables. Mais c’est plus délicat avec les hommes, hormis le cercle « littéraire » autour d’Alice.
Car là est le vrai problème, « l’étau » qui enserre nos héroïnes : la société et ses règles. Si les femmes sont plus émancipées, plus cultivées, plus libres sur certaines choses, de nombreux blocages existent. Toutes sont touchées et d’autant plus les nobles ou celles de bonnes familles. Travail, mariage, relation, héritage : tout est dicté par les hommes et il est très difficile d’échapper à leurs lois. Alice arrivera bien à ce qu’une de ses servantes épouse un noble mais c’est une exception. Hanako également fut victime de ces préjugés, expliquant en partie son voyage en Angleterre.
Et puis nous avons les relations homosexuelles, et le déshonneur qu’elles peuvent apporter sur une personne ou sa famille. Tout cela est bien sûr très mal vu à cette époque, comme le rappelle l’histoire authentique d’Oscar Wilde évoqué ici. Et pour le moment, même si ce n’est pas encore explicite, cela semble le cas d’Alice. Paroles d’une domestique, rumeur évoquée par un ami de son fiancé : les indices sont là. Cela expliquerait également sa volonté de mourir, même si plus de facteurs entreraient en jeu.
Nous ne savons donc pas encore tout. Alice est-elle lesbienne ? Est-elle Victor Franks ? Qu’elle fut sa relation avec son ancienne femme de chambre ? Est-ce la personne rencontrée par Hanako ? Qu’est-ce qu’attend réellement Alice de cette dernière ? Et si certaines parties sont plus « joyeuses », l’ensemble de l’histoire est assez sombre. Cela vaut surtout pour la manière dont Alice envisage son avenir. Nous sommes assez facilement happés par le récit grâce à cette ambiance contrastée. Côté dessin, rien à redire : l’auteur nous gratifie de personnages agréables à regarder, avec des tenues travaillées, dans des décors détaillés. L’édition de Komikku est elle aussi de qualité avec sa jaquette vernie et sa page en couleur. En bref, c’est une bonne surprise, qui cache encore ses secrets et qui flatte notre rétine. Que demander de plus ?
Fabrice Docher
GOODBYE MY ROSE GARDEN volume 1 de Dr. pepperco (2019)
Comédie / romance / drame, Japon, Komikku éditions, juillet 2020, 178 pages, 7.99 euros