Bonjour M. Kiyotaka Oshiyama
Avez-vous toujours voulu travailler dans l’animation ?
Je n’avais pas de plan aussi net, pas de vocation particulière. Je voulais avant tout trouver un métier qui me permette de dessiner, de vivre du dessin. C’est pourquoi un peu par hasard je suis devenu animateur.
Après votre premier travail chez Xebec, vous êtes devenu indépendant : pourquoi ?
J’ai intégré le studio Xebec mais je n’étais pas employé en cdi : j’avais un contrat d’indépendant. Je travaillais pour le studio mais j’étais indépendant dès le départ.
Vous êtes très versatile : animation, réalisation, design, story-board. Avez-vous une préférence ?
C’est difficile de répondre car chacun de ces postes a son intérêt propre et moi j’ai tendance à vite m’ennuyer. C’est pour cela que j’éprouve l’envie de changer d’approche, de casquette : cela m’évite de m’ennuyer. Lorsque je fais de l’animation j’ai envie de faire autre chose, j’aie envie de contrôler un autre domaine. Même en étant réalisateur où on a la main sur tout en tant que chef d’orchestre, j’ai envie d’animer. Il y a donc une sorte de va-et-vient de ma part.
Vous avez dit une fois : « faire un design original c’est un sentiment de découverte ». Vous vous adaptez à tout ce que l’on vous demande mais pensez-vous avoir votre propre style ?
Le travail que j’ai pu assurer à la conception graphique de personnage s’est toujours inscrit pour moi dans le fait de m’adapter à diffèrent style graphique par rapport à chaque projet. C’est vraiment de l’adaptation qui répond à un cahier des charges, des contraintes et c’est pour cette raison que je considère que je n’ai pas fait murir un style graphique qui serait le mien. Je n’ai pas cette perception-là. Je l’ai plus dans la perception du mouvement dans l’animation. Comme j’ai une expérience restreinte dans la conception graphique de personnages originaux je ne pense pas du tout avoir atteint aujourd’hui un style graphique établi pour la conception des personnages.
En parlant d’œuvre originale, votre première série, Flip Flappers, était votre premier travail en tant que réalisateur : qu’est-ce qui vous a motivé à le faire ?
Pour en revenir au début, lorsque le studio 3Hz m’a proposé de travailler sur un projet de série originale, j’ai réfléchi et je me suis dit que c’était un projet passablement risqué. J’avais très peu d’expérience en réalisation et le studio lui-même n’était pas en mesure de fournir une équipe de production aguerrie en projets originaux. J’avais clairement en tête que beaucoup de problèmes allaient se présenter et que l’on n’arriverait peut-être pas à donner forme à ce projet tel que l’on voulait le concevoir. Par exemple chaque épisode ayant sa propre conclusion, en coût de production, cela serait encore plus cher puisque on ne peut pas mutualiser entre les épisodes. La question se posait en ces termes mais par ailleurs j’étais assez jeune à ce moment-là et cela me semblait une chance à saisir. J’ai pensé que je n’aurais peut-être pas une autre occasion donc je me suis lancé dedans en connaissance de cause.
Malgré ces difficultés, le producteur Tayayuki Nagatami vous a laissé carte blanche : comment s’est déroulé votre relation avec lui ?
Je ne sais pas d’où viens cette information mais si on remonte à l’origine de ce projet, c’est quelque chose qui s’est discuté entre le studio 3Hz et Mr Nagatami qui se demandait comment faire avancer le projet. En réalité Mr Nagatami a joué un rôle de producteur tout à fait conséquent durant la préproduction ; il a voulu changer pas mal de chose lors de la préparation du projet (mais pas lorsque que la production était lancée). Il s’est beaucoup investi notamment dans la conception des personnages, au point que l’on pensait qu’il voulait lui-même réaliser le film. En tant que producteur il n’a pas du tout laissé le projet de côté.
Qu’est-ce qui vous a motivé à réaliser Look Back ?
J’ai d’abord lu le manga originel, sans avoir l’idée d’en faire quoi que ce soit. C’est ensuite que j’ai été approché dans l’idée de faire quelque chose de cette œuvre, de proposer un projet à l’éditeur Shueisha. C’est comme cela que je suis venu à réfléchir à cette idée.
C’était donc une commande, pas une proposition personnelle.
Oui.
Avez-vous eu beaucoup de contact avec le mangaka ?
Mr Fujimoto est un mangaka très occupé par sa série hebdomadaire (Chainsaw Man) et donc le temps lui manque. J’ai pu le rencontrer au début du projet pour faire sa connaissance et lui poser quelques questions. Je l’ai vu à 2 reprises mais par la suite il y a une forme de respect de sa part envers l’équipe qui s’occupait de la production du film. Il n’est pas venu voir comment cela se passait, il nous faisait confiance, il s’en est remis à nous ; c’était sa ligne de conduite
J’ai entendu dire que vous avez fini le film la veille de l’avant-première à Tokyo : est-ce que c’était parce que c’était votre premier long métrage ou avez-vous rencontré des difficultés ?
Pour vous répondre, en remontant loin en amont il y a un problème qui me concerne parce que je suis à la fois réalisateur du projet et directeur du studio Durian. En réalité on a été en retard très rapidement sur le projet : on n’a pas réussi à avancer comme prévu sur le planning, il y a donc un contexte dès le début. Pour le fait d’avoir fini le film dans un délai si court par rapport à sa présentation, pour tout un tas de raison la date a dû être bloquée et on a été un peu pris à la gorge par cette obligation-là. Mais ce point ne relève pas spécialement de ma responsabilité.
Au sien du studio Durian, avez-vous une fonction précise en dehors de tout ce qui concerne la création artistique ?
Il y a 2 personnes à la tête du studio, l’autre étant Mme Nagano. Je m’en remets à elle lorsque je suis sur un projet, sinon cela ne tournerait pas. Ce qui permet ce travail à 2 est que le studio est d’une taille modeste donc cette échelle me permet de tout confier à une personne qui peut porter tout le reste à bout de bras. Que ce soit moi ou elle, nous assurons tout un tas de fonctions, de responsabilités et de taches. Pour ma part c’est plus facile de s’en rendre compte dans un générique de film (poste de réalisateur, scénariste, création des personnages, etc.) alors que pour elle, c’est beaucoup plus compliqué. Elle joue un rôle central dans la gestion du studio au quotidien tout en élevant ses enfants. Dans la production habituelle d’anime au Japon, vous avez toujours dans le générique un certain nombre de postes différents : producteur principal, chargé de production, assistant de production, etc. On trouve tous ces échelons qui permettent de faire tourner la production. Or dans notre film vous ne trouverez aucune de ces mentions car il y a juste « production de l’animation : Mme Nagano » car c’est elle qui s’occupe seule de toutes ces taches, ce qui est assez incroyable.
Est-ce la première que vous venez en France ?
Je suis déjà venu à Annecy il y a 5 ans avec une délégation japonaise. Et j’ai passé également 2 mois En France en dehors du travail il y a 2 ans. C’était juste après avoir la proposition de travail sur Look Back et j’ai donc commencé à travailler sur le story-board en France.
Merci.
Fabrice Docher
Avec l’aimable autorisation du Studio Durian et d’Eurozoom