Interview de Tomohisa Taguchi, réalisateur de The Tunnel to Summer, The Exit of Goodbyes

interview

Interview de Tomohisa Taguchi, le réalisateur de The Tunnel to Summer, The Exit of Goodbyes. Festival international du film d’animation d’Annecy 2023, avec l’aimable autorisation de Games of Com.

C’est une personne assez détendue qui s’est présentée à moi, même si son premier voyage seul n’est pas de tout repos. En effet, il a failli louper une correspondance et ses baguages se sont perdus en cours de route (il finira par les récupérer plus tard).

 

Bonjour M. Taguchi. Pourriez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Tomohisa Taguchi. Je suis né le 25 avril 1995 au Japon, dans une ville à la campagne. Au moment d’entrer à l’université, j’ai décidé d’aller à Tokyo. Pendant mes études, j’ai travaillé pour un studio d’animation et petit à petit je suis devenu réalisateur.

 

Vous avez commencé par faire des scénarios et du storytelling. Puis vous êtes devenu réalisateur d’un long métrage : qu’est-ce qui vous a poussé vers cela ? Ne craigniez-vous pas ce changement de travail ?

Ce n’est pas tout à fait cela. Au départ, je travaillais sur des séries pour la télévision ; on m’a proposé de réaliser un film pour le cinéma. C’est là que j’ai commencé à en faire. Et pour le dernier, j’ai demandé à pouvoir écrire le scénario et réaliser le film moi-même.

 

Pour la série Kino no Tabi, vous avez voulu faire varier le style graphique de chaque épisode. Est-ce que cela n’a pas été trop dur à mettre en place ? Quelle a été la réaction de votre équipe ? :

C’est vrai, l’équipe a été perturbée au début. Mais comme le personnage principal se déplace dans des pays différents, je trouvais important de pouvoir marquer des contrastes importants entre chaque épisode, à travers les couleurs et la forme. L’équipe a vite compris pourquoi j’avais cette ambition et m’a suivi dans mon choix.

 

Lorsque M. Yoshihiro Tominaga et M. Kazutaka Kodaka vous ont choisi pour réaliser une série inédite, Akudama Drive, qu’est-ce que vous avez ressenti ?

C’est un projet que j’ai trouvé très enthousiasment. Tout ce sur quoi j’avais travaillé auparavant provenait d’une œuvre existante ou bien il y avait déjà eu des adaptations antérieures, ce qui obligeait de rester fidèle. Tandis que là, je pouvais tout créer de zéro, donc niveau créativité c’était beaucoup plus excitant. C’était un projet important pour moi car cela me permettait de faire rejaillir quelque part tout le savoir-faire que j’avais accumulé au cours de ses années.

 

En parlant d’expérience, vous avez au départ beaucoup travaillé sur des séries d’action avant d’arriver sur Digimon. Le ton général étant différent, est-ce que vous avez eu du mal pour vous adapter ?

Je n’ai jamais eu vraiment le sentiment de changer de style en fonction des projets, de travailler de telle ou telle manière en fonction d’une œuvre. Je m’adapte naturellement à l’histoire et à la nature du projet. Consciemment, il n’y a pas eu de transition à ce moment, j’ai continué de faire ce que je faisais jusqu’à présent, de m’adapter à l’histoire.

 

Comment s’est passé votre relation avec le mangaka Tite Kudo lors de la réalisation du film de Bleach, tiré de son oeuvre ?

J’ai travaillé en étroite collaboration avec Tite Kubo, cela s’est très bien passé. Notre relation était équilibrée, nous pouvions vraiment échanger. Je lui faisais des propositions, lui les réadaptait un peu pour qu’elles soient plus conformes à l’esprit de l’œuvre originale. A l’inverse il donnait des idées et moi je répondais que l’on pouvait les travailler de telle ou telle manière. Les échanges étaient vraiment dans les 2 sens et aujourd’hui encore nous gardons de très bonnes relations. Est-ce que la série a eu du succès en France ?

Oui elle a eu du succès et lorsqu’elle s’est arrêtée, cela a fait un peu bizarre. Tous les nouveaux travaux prévus suscitent d’ailleurs beaucoup d’intérêts et les nombreux fans ont hâte de voir ce qu’il va être proposé.

Je vais m’efforcer de les satisfaire (rires).

 

Pour en revenir à The Tunnel to Summer, vous vous êtes proposé en tant que réalisateur et scénariste. Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir ce titre en particulier ?

A l’origine, The Tunnel to Summer est un light novel. Ce sont des lectures très accessibles, des œuvres assez légères mais ce roman-là a un aspect très littéraire, plus construit et profond. C’est cela qui m’a plu. Depuis toujours j’avais très envie d’adapter un roman à l’écran ; mais l’animation au Japon ce n’est pas forcément simple et certains projets ne sont pas faciles à mettre en œuvre. Moi par exemple, j’aime Haruki Murakami et j’avais toujours l’idée d’adapter un de ses romans en animation mais ce n’est pas forcément possible maintenant. Donc lorsque l’on m’a fait cette proposition d’adapter The Tunnel to Summer, je me suis dit que je devais accepter car cela me mettrait le pied à l’étrier. J’ai décidé de faire un long métrage à partir de ce roman pour m’approcher le plus possible de ce dont j’avais envie de faire plus tard.

 

Ce travail a dû être plus exigeant vu qu’il partait de plus loin que d’habitude. Est-ce que c’était excitant ou est-ce que cela a été plus dur à gérer ? Et avez-vous eu des contacts avec l’écrivain Mei Hachimoku pour vous aider ou échanger sur le projet ?

Pou ce qui est de ma relation avec l’auteur, il m’a laissé carte blanche et m’a dit de faire ce que je voulais. Il y a des différences entre le roman et le long métrage : ce sont 2 versions de la même histoire. Pour ce qui est des difficultés que j’ai rencontré sur ce projet, le style « tranches de vie » est toujours assez compliqué ; paradoxalement c’est plus simple lorsqu’il y a des explosions, plus facile à mettre en scène en animation. En revanche les scènes du quotidien, pour qu’elles soient réalistes, il y a toute une mise en scène à respecter : cela a été un défi pour moi et avec les animateurs, nous avons beaucoup travaillé pour restituer au mieux la réalité.

 

J’ai lu que vous aviez plusieurs nouveaux projets en cours. Si on vous proposait à nouveau d’adapter un light novel, est ce que vous accepteriez ?

Les light novel sont vraiment un genre à part entière mais il y a beaucoup d’histoires qui se ressemblent, qui racontent la même chose. Et donc je ne serais pas prêt à faire quelque chose de trop commun, de trop banal. J’aimerais que cela soit un titre qui a une vraie originalité, une vraie particularité qui sort du lot. Et là je pourrais l’envisager.

 

Comme vous rêvez d’adapter Haruki Murakami, avez-vous un titre en particulier dont vous voudriez vous occuper ?

Kafka sur le rivage

 

J’ai lu qu’à l’université, vous aviez eu envie de réaliser un film live. Maintenant vous êtes dans l’animation. Si on vous proposait aujourd’hui d’en faire un aujourd’hui, est-ce que vous accepteriez ?

Oui, c’est vrai que j’ai eu envie de faire des films en prises de vue réelle, avec de vrais acteurs. C’est un souhait que j’ai encore. Dans l’animation, s’il y a 10 étapes à faire, on doit les suivre les unes après les autres ; il n’y a pas de place à l’imprévu, au hasard. Dans le cinéma live, on peut être surpris par la performance des acteurs, qui peut être meilleure ou différente de ce que l’on pouvait imaginer. On peut trouver un lieu de tournage qui est différent de ce que l’on avait prévu mais qui peut apporter un plus au film. Comme une lumière incroyable à un moment que la caméra peut capter sur le vif, ce que l’on ne peut pas faire en animation. Cette partie imprévisible et spontanée du cinéma, c’est quelque chose que j’ai toujours envie d’essayer.

 

Merci beaucoup

Évènements à venir