Plusieurs ouvrages parus récemment nous parlent du Cambodge. Petit tour de table.
Les Bronzes royaux d’Angkor, un art du divin met l’archéologie à l’honneur. La récente restauration du monumental Vishnou couché du Mébon occidental, datant du 11è siècle et surnommé « la Joconde de l’art Khmer » restitue toute la splendeur et le métier des fondeurs royaux de l’époque. Ils s’exposent au musée national des arts asiatiques – Guimet jusqu’au 8 septembre prochain et dans un somptueux catalogue paru aux éditions d’art In Fine (1). 240 œuvres s’y retrouvent dont 126 prêts du musée national du Cambodge de Phnom Penh. La métallurgie était une technique sacrée mêlant l’hindouisme au bouddhisme pour marquer la fidélité du roi à ces 2 religions. Le goût du détail, la méticulosité du Gardien de porte dvarapala par exemple sont proprement fascinants, sans parler de tous les Bouddhas et autres Uma.
Mais si ces vestiges des splendeurs passées de la cité royale d’Angkor nous subjuguent, il en va tout autrement de l’époque moderne. La langue de l’Angkar, d’Anne-Laure Porée aux éditions La Découverte est une approche originale et rigoureuse de l’emprise totalitaire du régime khmer rouge. L’autrice s’attache à décrypter le rôle du langage dans la mécanique d’anéantissement orchestrée par Pol Pot et ses lieutenants. Le livre se présente comme une « grammaire de la violence ». Il s’appuie sur un document exceptionnel : un cahier d’instructions destiné aux interrogateurs du centre de torture S-21, soigneusement conservé dans les archives du musée du génocide de Tuol Sleng. La terreur institutionnalisée. Un ouvrage à la fois fascinant par sa construction qui donne un aperçu rigoureux du processus à l’œuvre et terrifiant par son absurdité qui mène à l’autodestruction.
À l’occasion de la commémoration des 50 ans de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges et le début du génocide, la Table ronde réédite le roman en 2 parties de Soth Polin : L’Anarchiste. L’auteur y mêle autobiographie et fiction, histoire nationale et haine de soi, dans un style très noir. Il est illustré par des crayonnés aux couleurs pastel de Séra qui adoucissent quelque peu le propos (2).
Enfin 3 nouvelles de Santel Phin aux éditions Gope : C’est arrivé à Phnom Penh, récemment. Le titre dit tout. L’auteur s’attache à moderniser la littérature khmère en y introduisant des thèmes encore jamais traités. Les relations amoureuses y sont ainsi déclinées de façon contemporaine.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) Les éditions In Fine publient aussi le catalogue de l’excellente exposition Paris Bruxelles 1880 – 1914 effervescence des visions artistiques au palais Lumière d’Évian. Elle fait le tour des différentes influences au tournant du siècle et accorde une très bonne place au japonisme.
(2) Lire notre chronique sur son album L’âme au bord des cheveux de 2023 :https://asiexpo.fr/lame-au-bord-des-cheveux-de-sera-parait-aux-editions-delcourt/
Les Bronzes royaux d’Angkor, un art du divin, 304 pages, 39 €, éd. In Fine. En librairie le 23 avril 2025.