Deux mois après la fin du survival manga Alice in Borderland, qui s’est achevé après un périple de dix-huit volumes, les éditions Delcourt-Tonkam nous font profiter de son spin-off, Alice on Border Road, lancé au Japon en 2015. Si l’on retrouve Haro Asô au scénario, l’auteur a confié le dessin de cette nouvelle aventure à Takayoshi Kuroda, encore méconnu en France.
Nous suivons cette fois l’histoire de Kina Sano, une lycéenne habitant Tokyo, quelque peu désabusée par la vie et la société. Mais un jour, voilà qu’elle se réveille en pleine nature, seule, avec une carte à jouer dans la main. En explorant les environs, la demoiselle reconnait la ville de Kyôto… mais un Kyôto à l’abandon, dévasté, aux bâtiments recouverts de végétation… comme si elle avait transportée de plusieurs décennies dans le futur ! Kina rencontre alors une autre lycéenne, Alice Kojima, dans la même situation qu’elle. Les deux filles se lient d’amitié, mais ne tardent pas à rencontrer d’autres personnes, chacun avec une carte à jouer différente. Tous ont des profils très différents, mais aucun ne se rappelle de la manière dont il a été amené ici… S’agit-il d’un phénomène surnaturel ou d’un jeu macabre ?
Ces douze survivants devront comprendre ce que l’on attend d’eux, et agir ensemble. Mais les divergences de points de vue ne tardent pas à poindre, d’autant que les individualités sont très marquées dans le groupe. Plus grave encore, l’un des membres du groupe est retrouvé mort dès le lendemain matin… L’un d’entre eux chercherait-il à rassembler toutes les cartes ? Dans quel but ? Malgré cette menace pesant comme une épée de Damoclès, le groupe prend la décision de voyager jusqu’à Tokyo, en quête de vérité….
Alice on Border Road reste donc un survival pur jus, qui repose cependant sur plusieurs originalités : tout d’abord, son cadre post-apocalyptique, qui permet d’offrir un très vaste décor et de renforcer la solitude des personnages. Un huis clos à l’échelle du Japon, autrement dit ! La seconde originalité, c’est l’absence totale d’explications ou de règles, aucun personnage d’arbitre pour guider les joueurs et les pousser à collaborer ou à s’entretuer. Ici, chacun interprète la situation comme il le peut, et en tire des perspectives pour pouvoir s’en sortir. L’aspect « jeu macabre » (porté par la présence des cartes) prend vite le pas sur le « récit de survie », les personnages ne semblant pas avoir trop de problème à subvenir à leurs besoins. C’est donc l’aspect psychologique qui prévaut sur le récit, mais malheureusement, les protagonistes manquent cruellement de profondeur dans cette introduction. Leur présentation, succincte, les range dans des cases très stéréotypées, au point même qu’un coupable est rapidement désigné après la constatation du meurtre. Sauf qu’on n’y croit pas vraiment. De même, Kina, qui est présentée comme le personnage central dans l’ouverture, se fait rapidement voler la vedette par Alice, bien plus charismatique.
Nul besoin d’avoir lu Alice in Borderland pour profiter de ce spin-off, même si les fans pourront déceler quelques clins d’œil. Avec sa mise en place un peu poussive et un récit qui décolle à peine à la fin du volume, le récit n’est pour l’instant pas très engageant, malgré des aspects qui le font sortir du tout-venant du survival game. Côté dessins, c’est tout aussi fade : Takayoshi Kuroda délivre une copie proprette, mais sans grande profondeur. Le design des personnages n’a rien de bien original, et les décors, basés sur des photographies de Kyôto passées au filtre du post-apo, reste profondément froids. Le titre s’orientant vers le road-trip, on peut cependant espérer qu’il trouve un peu plus d’ampleur et de subtilité au fil des volumes. On l’espère, du moins.
Alain Broutta
ALICE ON BORDER ROAD (Imawa no Michi no Alice) volume 1 de Haro ASO et Takayoshi KURODA (2015)
Thriller/Survie, Japon, Delcourt-Tonkam Shônen, septembre 2017, 192 pages, livre broché 7,99€