L’histoire se passe dans les années 70, au début de la dictature. Gros Yeux, un adolescent de 14 ans dont le père est en camp de rééducation, est recueilli, avec sa mère, par Ashura, chef du ramassage des ordures dans l’immense décharge à ciel ouvert, à l’extérieur de Séoul. Sur cette île aux fleurs, c’est son nom, vivent pas moins de 2000 déclassés dans des cabanes construites à partir des rebuts de matériaux récupérés sur le site. De même pour la nourriture, les vêtements… Tout vient de la décharge ! Le garçon fait la connaissance du Pelé, fils d’Ashura, « pas bien dégourdi » comme il se définit lui-même. C’est lui qui lui fait connaître « les lueurs bleues » qui rôdent près de la rivière coulant non loin de la décharge. Vestiges d’un autre temps, celui où l’île aux fleurs était un village dont les habitants cultivaient la terre et pratiquaient le chamanisme. La découverte d’un magot, grâce aux esprits, permet aux deux enfants d’échapper provisoirement, à leur condition, pour découvrir la ville à Noël et ses bienfaits consuméristes et déjà très occidentalisés.
Hwang Sok-Yong, dans un style presque naturaliste, très descriptif nous plonge au cœur du quotidien harassant, dangereux et nauséabond de toute une micro société en marge d’une nouvelle civilisation. Paradoxalement, ce sont ces déclassés, pauvres d’esprit, enfants, marginaux qui restent en contact avec l’ancienne civilisation coréenne au travers du chamanisme. Cela amène un décalage d’atmosphère. Le lecteur, comme nos deux héros, est transporté dans un monde apaisé, accueillant où la famille a retrouvé son intégrité. Ce passage entre ces deux mondes est bien la métaphore de ce qu’était la Corée d’avant la séparation justifiant son nom : « pays du matin calme » et de ce qu’elle est devenue ; un monde gangrené par les fausses valeurs de l’Occident. Hwang Sok-Yang, qui a lui-même quitté le Nord pour aller au Sud, témoigne avec acuité d’un monde en pleine transformation, mais sans jamais le juger.
A découvrir donc si l’on n’a pas eu la chance de le rencontrer au Salon du Livre de Paris, à Livre Paris pardon !
Camille DOUZELET