Vingt maisons nippones, un art d’habiter les petits espaces d’Isabelle Berthet-Bondet

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Dans les années quatre-vingt-dix un ensemble conjoncturel (normes sismiques draconiennes, effondrement boursier et spéculation sur le foncier) impacta considérablement le pouvoir d’achat des Japonais. Ce qui conduisit à des offres de terrains à bâtir vers des surfaces de plus en plus petites (30 à 60 m² en moyenne). D’où un défi majeur pour les architectes ! C’est ce que nous présente le livre d’Isabelle Berthet-Dondet à travers 20 maisons nippones.

Malgré la contrainte, les bâtisseurs contemporains se retrouvèrent en terrain connu. En effet, ils connaissaient des pratiques plus que millénaires. La construction des « machiya », ces maisons bourgeoises des marchands d’Edo étaient de celles-ci. En effet, elles furent agencées en petits espaces autonomes. Ils permettaient de définir chaque partie comme un microcosme dans lequel le visiteur s’extirpait de son quotidien. Il pouvait y atteindre le « kokoro », un état conscient d’harmonie avec la Nature. Et pour finir, il pouvait s’abandonner dans la contemplation du jardin miniature, « oku-niwa », toujours situé en fond d’habitation.

Les architectes modernes n’eurent plus qu’à appliquer ces principes à leurs propres réalisations. Mais au lieu de les configurer à l’horizontal, ils les conçurent verticalement.

Après nous avoir présenté quatre « machiya », l’autrice détaille les récentes habitations dans toutes leurs spécificités. Et notamment dans l’emploi du bois souvent brut tel un invariant de la tradition japonaise. La démarche essentielle des architectes contemporains est de partir de l’intérieur de leur projet avec pour centre l’humain. Le but est de faire rentrer la nature dans la maison. Mais aussi de projeter l’habitation vers l’extérieur par l’adjonction de jardinet intermédiaire ou de balcon en avancée. Leur préoccupation est également de fondre la modernité du bâti grâce à des matériaux et des couleurs en symbiose avec l’environnement. L’idée étant de créer un continuum harmonieux entre la rue et l’édifice.

L’iconographie abondante : photographies, plans de coupe et dessins, nous en donne une juste idée.

D’un abord parfois ardu car pointu, le mérite de ce beau livre, au-delà de sa spécificité architecturale, est de nous permettre d’accéder, nous Occidentaux, au « mono no aware » : la beauté éphémère des choses. Il nous détache de nos préoccupations prosaïques pour nous projeter dans l’apaisement cosmogonique. À l’ère écologique la leçon vaut d’être retenue.

Notons que les éditions Parenthèses font paraître également fin 2020, dans le même format, Raj Rewal, de l’architecture au paysage culturel, entretiens avec Sandrine Gill. Il s’agit là d’une véritable somme sur le travail de ce grand architecte indien considéré comme l’un des plus marquants de l’Asie du Sud-Est. A découvrir aussi !

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Vingt maisons nippones, un art d’habiter les petits espaces, Isabelle Berthet-Bondet, 16,5 X 24 cm, 160 p., 200 photographies et dessins en couleur, 2013, nouvelle édition en petit format fin 2020, éd. Parenthèses, 29€. Diffusion Harmonia Mundi.

Raj Rewal, de l’architecture au paysage culturel, entretiens avec Sandrine Gill, 16,5 X 24 cm, 240 p., nombreuses illustrations, 2020, éd. Parenthèses, 24€. Diffusion Harmonia Mundi livres.

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