Un jour de février, fin de matinée, futilités pour le reste de la journée

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17h30
Dans ce restaurant, 283 employés venus de toute la Chine, autant dire du monde entier. A la capitale par besoin capital, certains ont dû laisser le petit empereur au pays natal et partir en quête financière, 70h/semaine pour quelques palos. Le patron… une femme… quelle femme ! Véritable chef d’orchestre, son concerto en règlement est sans ellipse : uriner sous la douche : 10 euros, se servir de l’eau potable à d’autres usages que pour étancher sa soif : 5 euros, mener un client à une salle qui n’est pas la sienne (anthologique) : 2 euros… J’en passe et des meilleures. Un véritable terrain de jeu laissé à l’abandon par ceux qui n’osent transgresser les règles au nom de l’humour (ou cela vient-il de moi). Son hymne à la joie, 2 semaines de vacances par an, dortoir de 6 gratuit, gâteau à la date anniversaire, spectacles fréquents, prime du nouvel an et cadeau à Noël. Des employés, certains choisiront la pièce de 2 mètres sur 1 (20 euros/mois) en sous sol, ou bien vivront plus loin du lieu de travail pour se payer une fenêtre, dernier Motorola compris. 6 jours sur 7 au service de la “haute” chinoise, les hôtes chinois, les autres chinois. Heureux ils sont mine de rien, comme Scrat et sa noisette, après tout à peine sortis du collège ou du lycée, ils n’ont pas vraiment le choix. Fatalistes et réalistes pour la plupart, ils ont le courage et la détermination de ceux qui ont fait l’histoire mais n’auront place aux côtés de Hu Jintao. Il ne faut généraliser, on ne peut d’ailleurs pas, mais nombreux sont ceux dont la situation est similaire. Tandis que “9m2 pour 2” sorti en France explore l’univers carcéral, 4m2 pour 3 ou 4 pourrait quant à lui explorer l’univers viscéral six feets under, de mes précédents voisins. Qu’elles sont chouettes vos “prisons” s’exclameraient-ils si… A Drenthe aux Pays Bas on enterre vivant pendant 1 heure à 75 euros la partie, pour nous occidentaux cela reviendrait à jouer facile 4 mois ici pour le même prix.

22h
A quelques pas, une salle de billard, des demoiselles vêtues de bleu, logées en masse en dortoir de 20, qui au son d’un claquement de doigts vous préparent la table… qui donc les remercierait ? Pas même les serveurs d’un restaurant. Un nuage de fumée s’échappe, une porte qui s’entrouvre, en sort une femme sans collant, la première depuis 2 mois, le son de la pluie, le premier depuis 2 mois, c’est une scène de mah-jong qui s’y joue car dehors le sol est sec.

23h15
Alors qu’une jeune femme a quitté notre monde après une overdose de world of warcraft, que les limitations d’heures de jeux ont aussi leur remède, quand un jeu peut en cacher un autre, je me connecte au milieu de 600 chinois (parmi eux, ceux qui cherchent l’âme soeur à l’écran, sur 600 nul besoin de l’informatique). Counter Strike quant à lui fait un véritable carnage qu’importe si le gouvernement estime que tuer un joueur pour progresser est immoral, n’allons pas jusqu’à dire que c’est l’hôpital qui se fout de la charité. C’est partout jusque dans les remix radiophoniques de “Vive le vent d’hiver” ce vent qui, dans l’expression chinoise, pénètre jusqu’aux os et les psychologues pour couple s’en mêlent jusque sur les antennes TV. Certains et plus d’un en oublient de gérer leur jauge d’énergie, d’alimentation et de sommeil, le monde à l’envers, l’envers du monde, pilule rose ou pilule bleue, les publicités n’aidant en rien. Les transactions monétaires d’armes virtuelles ont poussés un joueur au crime à Shanghai. Quant aux pages sensibles du net, jingjing et chacha (du chinois jingcha signifiant policier), deux personnages d’animation sous peu s’en mêleront, la “Great firewall of China” est bien là. L’employé m’apporte une bouteille de coca, c’est la fête du grand nouvel an dit-il alors tiens prends. Le nouvel an chinois, ses fêtards et leurs pétards… Des feux qui sont des larmes aux cieux de ceux qui seuls affrontent le froid d’hiver, une guerre sonore pour autant de mort. Un plaisir rétinien de quelques secondes pour chacun, de quoi nourrir un mois celui qui couche là les yeux clos. “Les étoiles communistes n’ont l’éclat des feux capitalistes, le monde change comme le temps file. File le temps et change le monde mais ne m’oublie pas, car de quoi aurais-je l’air quand tu seras grand, plus tard quand il sera trop tard” se disait-il en silence ? A quoi bon faire de la couche d’ozone un gruyère pensait-il ? “J’ai froid” tremblait-il. Pékin m’apparaît aujourd’hui sur fond de toiles de Cheng Lingyang de ces femmes faciles qu’un rien séduit, auxquelles rien ne suffit, qui sait vous épanouir, un brin interdit qu’on souhaiterait posséder, en vain. Vivre avec elle n’est pas simple, caractérielle, débordante de vie, elle rêve et pense à demain si fort qu’elle s’y croit déjà. Et sa montre à rebours se rapproche de son pote Jo ; ce qu’elle attend je le sais déjà “tu verras tout se passera bien, c’est le grand bon en avant.” Après tout, elle le mérite bien.

0h20
De retour chez moi, le 4ème chez moi en 6 mois, 50 euros par mois pour quelques 10 mètres carrés au coeur des Hutong, le Pékin comme je l’aime, peu sophistiqué, bordélique et pragmatique tel le visage d’une femme après l’amour. Un logement certes loin de l’Université des Langues où 75 pour cent des étudiants résident (Wudaokou), chacun versant en moyenne un loyer de 150 euros et tous, façon Cats eyes ont à leur porte le numéro de “proxénètes” proposant massages prodigués par des “princesses” made in China, Japan, Spain… L’étranger a de l’argent, il n’est là que pour un temps, c’est évident. Tant qu’il y a de l’offre il y a de la demande, si la demande s’annihile difficilement comment stopper l’offre quand on voit combien en sur-vivent. Tandis que quelques provinciaux rejoignent Hong-Kong ou la capitale pour vendre leur corps, ne serait-ce que pour un temps et subvenir aux besoins familiaux. Cette prostitution diffère cependant de celle développée actuellement au Cameroun faisant déchoir leur propre femme sur les trottoirs français, ce pour arrondir les fins de mois. Qu’en pense Sarco ? L’université, le berceau des langues, certains prennent leur temps pour apprendre à marcher quand d’autres se cassent la binette à sortir tous les soirs, les Mozart quant à eux, bien qu’un peu pâles, sautent des classes. Les chinois quant à eux assidus nous désespèrent par leur détermination, apprendre par coeur un texte de 50 lignes en langues étrangères ne leur demande que 3 heures (habitude prise au plus jeune âge], quand certains français tel que moi ne trouveront la motivation et l’engouement pour y passer une nuit.
Aujourd’hui au programme pour 80 centimes, le dernier King Kong, screener de piètre qualité aux sous-titres anglais inappropriés, à bord du navire par trois fois l’on peut savourer ; “a rope, we need a rope” “but he is in the metalshop”. Et ça suffira pour ce soir, demain est un autre jour. (titre idéal pour un James Bond).

Pays : Chine

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