Un demi-siècle au bord du gouffre atomique de Jean-François Bouchard sort chez Max Milo.

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Depuis la première guerre de Corée, en 1950, pas moins de vingt fois, l’arme nucléaire fut sérieusement envisagée pour régler des conflits entre les deux blocs. C’est ce que dissèque Jean-François Bouchard dans son essai extrêmement documenté grâce aux « documents déclassifiés N.S.A » (1) dont l’éditeur fait son sous-titre. On connaissait le cas emblématique de la crise des fusées soviétiques à Cuba en 1962. Mais ils nous en révèlent bien d’autres. Et souvent, la Corée sert souvent d’aiguillon à la catastrophe. En 1968, par exemple, elle prend un navire américain en otage sous couvert d’espionnage : le USS Pueblo ; elle abat un avion. Les Américains, au lieu de riposter avec des armes conventionnelles, brandissent la menace atomique, mais ne font rien et passent pour les dindons de la farce. Idem en 1976 avec une altercation dans la zone démilitarisée JSA entre les deux Corées, dite « incident du peuplier » à Panmunjom où l’Amérique, par son soutien à la Corée du Sud, menace la Corée du Nord de son feu nucléaire, sans pour autant, agir. Les soutiens chinois et soviétiques de la Corée du Nord n’y sont pas étrangers ! Les exemples se multiplient jusqu’à ce que la Corée du Nord accède au rang de puissance nucléaire. Elle peut à son tour jouer à ce poker menteur et tenir la dragée haute à la première puissance militaire mondiale.

Cet essai, très bien structuré et surtout informé, se lit presque comme un polar. Le lecteur est happé par les événements. L’auteur sait bien ménager son suspens, en distillant les documents, comme dans la réalité. Il a un réel sens de la narration et démontre la cupidité de certains politiciens. Comme ces frères Dulles, des « sacrés salopards » comme le dit l’auteur. Ils sévissent des années 20 jusqu’au début des années 60. À la fois avocats d’affaires et hommes d’État : l’un est chef du FBI et l’autre est secrétaire d’État (ministre des affaires étrangères). Ils sont en outre les meilleurs amis du banquier d’Hitler et n’ont jamais orienté la politique américaine que pour faire fructifier leurs propres affaires !

Malgré les nombreuses menaces nucléaires qui ont pesé sur notre monde, la dissuasion a paradoxalement toujours fonctionné.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

(1) « documents déclassifiés N.S.A » : ce sont des documents, parfois ultra secrets, des agences fédérales américaines (National Security Archives), rendus publics à partir de 1966 par Lyndon B. Johnson.

Un demi-siècle au bord du gouffre atomique, Jean-François Bouchard, éditeur Max Milo, 369 p., 22,90€.

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