Le cinéma nippon, en France, n’a jamais eu la place qu’il mérite, les films ne sortent qu’au compte-gouttes, ou sont distribués dix ans après leur sortie d’origine (Miyazaki, Kitano, …). Les livres traitant du sujet en général sont donc plutôt rares. Hormis, les ouvrages de Max Tessier et les beaux Tadao Sato, pas grand chose à se mettre sous les lunettes en version française.
Dans ce contexte sinistré, il faut savoir lire l’anglais pour se contenter, à défaut du japonais. La réponse idoine à notre longue attente, pas désespérée mais presque, vient d’un journaliste du Japan Times et de Screen International : Mark Schilling, connu déjà pour son ouvrage de référence sur les Contemporary japanese films (Ed. Weatherhill, 1999), et qui constitue une bonne base de recherche sur l’actualité cinématographique. Il reprend la même recette pour ce nouvel opus sur un domaine plus précis et disons le plus passionnel pour nombre d’entre nous : le Yakuza Eiga. Nécessité voire urgence, que de se s’interroger sur les racines du genre, après les bombes visuelles de Miike et les platitudes de Tarantino. Comme l’annonce avec force chiffres, la quatrième de couverture, le fonds séduit par sa richesse : 325 pages sur les films de gangsters du soleil levant, des interviews des figures marquantes du passé et du présent, et des informations sur toutes les ressources indispensables. Soit un beau voyage au pays de la Toei et de la Nikkatsu version sixtees-seventees. Jingi, ninkyo, yamato nadeshiko, oyabun… le journaliste use de termes spécifiques, avec lesquels on se familiarise aisément, si ce n’est déjà le cas. Sur l’ensemble de l’ouvrage, les parties les plus intéressantes sont sans nul doute l’historique, les biographies et les entretiens avec les personnalités. Quant aux films chroniqués, ils demeurent pour la plupart comme des rêves inaccessibles pour le gaijin non-nipponisant (votre humble serviteur, par exemple).
Du “ninkyo eiga”, film de chevalerie, au renouveau du V-cinema des nineties, tout est là, finement analysé, sans longueurs soporifiques ni pompes universitaires. On traverse des générations de cinéastes, d’acteurs et d’héroïnes dont les figures nous ont fait rêver. On en apprend davantage sur les stars du genre, à travers anecdotes et souvenirs personnels : Noboru Ando, par exemple, on se demande d’où lui vient cette aisance ineffable à l’écran, cette brutalité tranquille. Et bien nous apprenons gentiment, qu’il a fait partie d’un gang de 300 personnes, fait de la prison et passé par la Shochiku, avant de devenir le tateyaku que l’on sait à la Toei….
Bref, une vraie mine d’or, indispensable pour les passionnés, un livre définitivement ludique, avec des entretiens excellents, parmi lesquels ceux de Suzuki, Sugawara, Miike, Fukasaku, et le futur étrange festivalier et maître du genre, Teruo Ishii, déjà célébré au festival d’Udine.
Éditeur : Stone Bridge Press
Pays : Divers