Enfin ! Im Kwon Taek a été récompensé au festival de Cannes, ou plutôt devrait-on dire la Corée a été récompensée.
Souvenez-vous du magnifique LE CHANT DE LA FIDELE CHUNHYANG projeté l’année précédente à ce même festival, qui fut apprécié mais pas à sa juste valeur. Mieux vaut tard que jamais. On est d’accord, ce prix de la mise en scène nous fait vaguement penser au même prix reçu par Pedro Almodovar, Edward Yang ou encore Wong Kar-wai, c’est à dire un prix de consolation dont l’intitulé serait en clair “on vous aime bien mais continuez à faire des films chez vous car vous commencez à nous faire de l’ombre ! “. Peut-être est-ce seulement le reflet de l’incapacité d’un jury à affirmer ses choix aux yeux de la majorité.
Malgré le palmarès de l’année précédente (0 film asiatique primé) qui avait un fort goût de “Asie, go home ! “, le prix reçu par Im Kwon Taek n’est qu’un juste retour des choses ou plutôt, la moindre des choses ! Rien que le nombre de films dont il a accouché à 75 ans en laisse pantois plus d’un : 98 films !! Même Tsui Hark est battu… Je préfère comparer ce prix à une enseigne lumineuse cherchant à attirer les regards sur un pays dont le cinéma est en pleine expansion… pardon, je voulais dire : explosion !
Pour ma part, bercé par le cinéma japonais et hongkongais depuis de longues années, j’ai découvert le cinéma coréen avec LA CHANTEUSE DE PANSORI de Im Kwon Taek qui passait un soir sur Arte, je l’ai par hasard enregistré, plus par curiosité qu’autre chose d’ailleurs (dans mon magazine TV, la cote du film, 2 étoiles, étant sensiblement supérieure à celle de Street Fighter, 1 étoile,….) et le garde précieusement dans ma vidéothèque dans le rayon “Films qui m’ont mis une claque”. Je découvrais alors un cinéma, un pays, une culture. Depuis, j’ai eu l’occasion de voir de nombreux films du pays du matin calme et si quelques uns m’ont déçu, je suis toujours resté littéralement émerveillé devant ces films dont on a du mal à identifier la provenance : comme les films du canadien David Cronenberg (ses personnages, ses rues, ses films ont l’air américain mais ne le sont pas), au premier abord, les films coréens ont l’air japonais ou chinois mais ne le sont pas. Après quelques séances, on commence à s’habituer, à reconnaître et finalement à aimer cette langue dont le son est aussi arrondi que son écriture. On commence aussi à aimer ces visages, différents de ceux des autres asiatiques, qui sont comme empreints d’une nostalgie quelque fois bouleversante (l’actrice Shim Eun-Ha de TELL ME SOMETHING / ART MUSEUM BY THE ZOO) ou d’une puissance hypnotisante (l’acteur Ahn Sung-Ki de NOWHERE TO HIDE, vous savez ? Le méchant !).
Aussi, il est peut-être plus facile pour les amateurs de “hongkongaiseries” de s’adapter aux films coréens, ces derniers traitant du sujet de la réunification des deux Corées comme les films HK traitaient celui de la rétrocession. Une impression de déjà vu s’installe alors mais aussi de continuité, comme si tous les cinémas (et pays ?) devaient se réunir en un seul (cinéma ?).
En effet, cette question de réunification, désirée mais crainte, est latente dans beaucoup de films et saute aux yeux pour peu qu’on veuille bien lire entre les lignes. Prenons IL MARE / La boîte aux lettres de Lee Hyun-seung (2000) deux personnages, l’un en 1998 , l’autre en 2000, s’aiment par delà le temps. Je vous laisse le soin de deviner lequel correspond à la Corée du Nord et qui à la Corée du Sud… Par ailleurs, les deux amants (imaginaires ?) sont au même endroit mais avec 2 ans d’écart mais finiront peut-être par se retrouver, est ce une question de temps ?… Je préfère donner ici une réponse de normand : peut être ben que oui, peut être ben que non!
Les autres films retrouvent par ailleurs ce même canevas selon plusieurs variations : DITTO de Kim Jung-kwan (2000) suit le même scénario que IL MARE / La boîte aux lettres mais le lien magique est une radio amateur ! De même, dans ART MUSEUM BY THE ZOO / Le musée à côté du zoo de Lee Jeong-hyang (1998), les deux personnages sont une femme romantique (la Corée du Sud ?) – tendrement jouée par Shim Eun-Ha – et un homme bourru, militaire (la Corée du Nord ?). Bref, cette situation peut être déclinée à l’infini, sur une multitude de traitements – la comédie pour les films cités précédemment ou le drame pour CHILSU AND MANSU de Park Kwang-Su (1988) et MEMENTO MORI de Kim Tae-yong et Min Kyu-dong (1999), pour ne citer qu’eux.
C’est vrai, certains des films cités ci-dessus sont quelquefois assez maladroits : champs / contre-champs sur du Bach pour DITTO ou des plans grotesques et fourre-tout pour MEMENTO MORI (soyons clairs, je préfère cent fois un MEMENTO MORI raté à un TAXI 3 réussi !). Mais ils restent toujours passionnants et ont souvent un dénouement très surprenant : regardez les films de Kim Ki-duk, réalisateur de THE ISLE / L’île ou A BUNGEE JUMPING OF THEIR OWN de Kim Dae-seung (2001) pour vous en convaincre. Mais, je crois que vous êtes déjà convaincus ! Il ne nous reste qu’à convaincre les autres, ce n’est qu’une question de temps, n’est ce pas ?
Pays : Corée du Sud