Fidèles à leur démarche didactique, les éditions Sully publient un remarquable ouvrage dans la collection Le Prunier. Shodô ou comment étudier la sagesse du zen à travers la peinture à l’encre traditionnelle. Esthétique aussi, le livre resplendit d’une mise en page sobre, mais efficace tant sur le plan historique que graphique. Shôzô Satô en est l’auteur. Il réside aux USA. Il y enseigne plusieurs arts majeurs japonais (ikebana, cérémonie du thé, calligraphie) depuis de nombreuses années.
Dans la première partie, l’auteur nous apprend que shodô (la voie dô de l’écriture sho) est toujours tracée avec les kanji (calligraphie chinoise importée en même temps que le bouddhisme au VI ème s. de notre ère), même s’ils sont parfois simplifiés. Seul le pinceau est permis, nous dit-il, afin de tirer pleinement parti de sa souplesse. Il nous apprend surtout que différents tracés plus ou moins libres (cinq en fait) fondent cette écriture. Parmi eux le style semi-cursif Gyosho (écriture en mouvement) est réservé à la calligraphie spécifiquement japonaise.
Les autres styles servent plus à l’écriture soit de la poésie chinoise soit pour des actes du quotidien ou administratifs. En tout état de cause, chacun est précisément détaillé dans son tracé du plus académique au plus fluide. Le tout accompagné d’une mise en perspective pour l’appréhender dans son contexte spécifique. Pour sôsho, l’écriture cursive par exemple, elle est similaire à celle pratiquée en Occident, nous précise l’auteur. D’ailleurs, cette façon de tracer les idéogrammes donnera le syllabaire katakana (style d’herbe)dontles femmes à la cour impériale s’emparent vers l’an mille pour fonder la littérature nippone.
Dans la deuxième partie de l’ouvrage, l’auteur nous initie à la philosophie zen en même temps qu’à l’esthétique des zengo. Par l’étude des tracés de ces impitoyables énigmes bouddhistes, il nous permet une approche méditative du lâcher prise. Pour ceux qui se lanceront dans cet ascétisme, les explications précises et graphiquement pertinentes seront un incomparable soutien dans cette voie infinie.
Mais quelle soit de leur persévérance, ils auront toujours la satisfaction, qu’au final, elles révéleront leur personnalité. Car ici pas question de tricher. Le tracé doit toujours être lisible sinon on tombe dans l’art abstrait, antinomique avec l’esprit zen. Quant aux autres, la simple contemplation de ces œuvres pleines de tension, leur apporteront une plénitude que notre société débridée nous refuse désormais.
Bien qu’ardue au premier abord, cette somme de connaissances et de travail nous ouvre sur un monde de liberté, une fois gravie l’immense montagne qu’est la pratique zen.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Shodô, l’art paisible de la calligraphie zen japonaise, Shôzô Satô, préface de Gengo Akiba Rôshi, 176 p., 28€, collection Le Prunier, éd. Sully.