Sérotonine de Michel Houellebecq paraît chez Flammarion.

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On savait Houellebecq peu enclin à apprécier les Japonais. Son personnage Florent-Claude Labrouste n’y coupe pas. Il met fin à sa relation avec sa maîtresse japonaise Yuzu, aux mœurs scabreuses. Tout comme il abandonne son métier face aux contraintes de Bruxelles qui impose aux producteurs laitiers français, dont il s’occupe, des prix dérisoirement bas qui leur permettent à peine de survivre. Agronome, il travaille en effet pour la Direction régionale de l’agriculture et des forêts : la Draf. Il avait pensé changer le monde, mais il se retrouve à négocier à Bruxelles, des normes et des décrets qui vont à l’encontre d’une agriculture écologique et viable. «  J’avais un idéal et j’étais en train de le trahir . » Ne pouvant plus faire face à toutes ces désillusions, il se gave de Captorix, un antidépresseur qui agit sur la production de sérotonine.

Houellebecq est toujours aussi acerbe dans son démontage en règle du système néolibéral mis en place par les multinationales comme Lactalis et soutenues par l’Union européenne. A travers Florent-Claude, son ami aristocrate agriculteur et d’autres de la Confédération paysanne il donne chair à la désespérance de cette France rurale, des marges, qui se tue au travail et ne s’en sort pas. C’est la fin d’un monde, celui d’une agriculture de proximité. Mais c’est aussi celle de cet agronome qui renonce et s’enfonce. Un livre hautement politique en somme et immensément humain.

C’est grâce à un style précis, chirurgical et plein d’ironie que l’on plonge dans ce titre puissamment antiphrastique. Il n’épargne personne dans sa clairvoyance, à commencer par son personnage principal. Mis en scène à la première personne, il est lucide sur lui-même, sur le monde qui l’entoure et ce qu’il peut en attendre. Il accumule les regrets.

Une bonne manière de comprendre les répercutions de l’économie néolibérale sur ceux qui travaillent réellement et ceux qui ne font que brasser de l’air pour profiter du travail des autres.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Sérotonine , Michel Houellebecq, 350 p., Flammarion, 22€, paru le 4 janvier 2019.

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