La Chine est le plus gros importateur de pétrole au monde avec l’Europe. Toutefois, à la différence de cette dernière, elle est aussi productrice d’or noir. Si bien qu’au musée du pétrole de Daqing, on peut lire la phrase suivante : « Le pétrole a une relation compacte avec la puissance politique, économique et militaire d’un pays ». Tout est dit ! Car bien sûr, le pétrole a été un des facteurs prépondérants du développement de Pékin. Cependant, en 2015, elle a atteint son pic maximal d’extraction. Depuis elle trouve de moins en moins de brut conventionnel, celui le plus « aisé » à extraire. D’où ses velléités de main mise sur des sources hors de son territoire national.
Jamais à court de géostratégie spéculatrice, elle a donc investi les champs pétrolifères de l’Irak tout comme la Russie. En effet, ces deux pays ont les coudées franches pour prospecter depuis le recentrage des États-Unis sur le Pacifique. Ces derniers craignaient l’influence de Pékin (1) ! Ce qui en fait les réels vainqueurs de cette guerre déclenchée par pure cupidité en 2003.
Pour autant, ce qui vaut pour la Chine, vaut également pour l’ensemble des autres pays producteurs. La quantité mondiale de pétrole conventionnel extraite, depuis 2008, année où elle a atteint son pic maximum d’extraction, ne retrouvera jamais ce niveau comme nous l’explique Matthieu Auzanneau dans son passionnant ouvrage. Si la consommation s’est maintenue à peu près constante jusqu’à nos jours, elle le doit seulement à l’adjonction des agrocarburants (concurrents de la production alimentaire) et aux gaz de schiste ou bitumeux (très destructeurs de l’environnement).
Au travers du think-tank the shift project (2), dont il est le directeur, l’auteur a eu accès aux données d’une agence de référence pour l’intelligence économique. Il nous démontre clairement que depuis 1980 la société mondiale consomme plus de brut conventionnel qu’elle n’en prélève.« Total estime que le monde risque de manquer de pétrole vers 2025… » sans même parler de la pénurie qui se profile à l’horizon 2030.
À cette limitation de production vient s’ajouter la problématique climatique de plus en plus prégnante sur nos sociétés aveugles. Ces deux raisons conjuguées devraient nous convaincre de sortir au plus vite des énergies d’origine fossile. Cependant il n’en est rien, nous affirme encore l’auteur. Car si le pétrole est la première source d’énergie au monde, c’est qu’elle le tient à sa commodité d’obtention (par rapport aux autres sources potentielles d’énergie). Cependant, cela sera de moins en moins vrai. Le brut ne cessera d’augmenter à l’avenir. Il n’y a qu’à constater le prix déjà exorbitant des carburants à la pompe ces derniers mois.
Pourtant il existe un moyen de s’en sortir nous explique encore l’auteur : c’est en valorisant la démocratie et non plus l’économie. En effet, les solutions de remplacement du pétrole existent ; elles sont cependant moins faciles à mettre en œuvre et donc plus chères. Il faut instaurer une sobriété systémique. Vaste programme dont le shift project se fait fort d’établir des projets concrets à mettre en œuvre au plus vite. Reste aux politiques à s’en saisir.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
(1) lire notre chronique sur le dernier livre de J.P Cabestan Demain la Chine : guerre ou paix pour comprendre l’actuelle géostratégie des États-Unis vis à vis de la Chine : https://asiexpo.fr/demain-la-chine-guerre-ou-paix-de-jean-pierre-cabestan-parait-chez-gallimard/
(2) Pour aller plus loin, consulter theshiftproject.org
Pétrole, le déclin est proche de Matthieu Auzanneau avec Hortense Chauvin, 142p., 12 €, éd. Seuil / Reporterre le quotidien de l’écologie sur Internet (www.reporterre.net).