Dans ce nouveau manga de Ryoko Fukuyama, on sent quelques virages forcées pris par le scénario, ce qui nous rend le récit un brin artificiel. Mais l’humour, qui joue souvent sur un comique de répétition, comme l’héroïne qui remarque toujours les cils ou sourcils des gens, ou bien Momo, son premier amour, qui adore faire des jeux de mots. C’est grâce à cet humour, simple, mais efficace, qu’on tend à s’attacher aux personnages et à suivre le récit, de manière fluide, sans trop nous ennuyer.
La partie la plus intéressante, la mieux réalisée, reste celle de la genèse. Dès le début du récit on apprend le background de l’héroïne, Nino, on est plongé dans son enfance, où elle fera deux rencontres majeurs, celles de Momo et de Yuzu, mais subira aussi, deux séparations douloureuses avec ces même garçons.
Les rêves de ces trois enfants se construisent aux rythmes de cases effrénées, les rêves s’unissent dans un lien fort. Il est dommage de les voir grandir si vite… A ce moment le récit se pose, s’allonge, on voudrait encore croire à leurs rêves, à leurs promesses, mais on n’a qu’une impression d’éloignement, on ne s’identifie plus aux personnages et le récit nous paraît bien grossier.
En effet l’histoire s’inscrit dans notre contemporanéité, dans le réel, il faut donc qu’elle contienne une certaine sincérité et véracité. Une Nino, qui pendant six ans, chaque matin, chante sur la plage dans l’espoir que Momo ou Yuzu l’entende, c’est un peu gros, trop naïf, on est dans un shôjo certes. Mais si on prend Nana par exemple, où le dessin et l’atmosphère, plus brute, nous prend véritablement aux tripes, de plus les caractères et styles des personnages font tout de suite plus matures et rendent le récit crédible. Evidemment, ce dernier s’adresse à une tranche d’âge plus haute, mais ne sous-estimons pas le jeune publique. Lui aussi a besoin d’histoires profondes et fortes.
Si on choisit un manga dans la même tranche d’âge que Masked Noise, on peut penser à Shigatsu kimi no uso, un jeune pianiste qui ne peut plus jouer suite au décès de sa mère, il parvient à retrouver son talent après la rencontre d’une jeune fille violoniste. Je ne qualifierai pas ce manga de chef d’œuvre, car il a ses défauts, cependant il contient une réel force, sincère et humaine, dans la relation que le personnage principal entretient avec son amie d’enfance (durable) et dans celle qu’il entretient avec la jeune fille (éphémère), cette dualité durable-éphémère donne une perspective importante à l’œuvre, là où dans Masked Noise on reste toujours au même niveau, sur le même plan, plat et superficiel, les liens construits par les personnages ne sont pas assez forts car ils sont faits dans la vitesse.
Ryoko Fukuyama met rapidement en place la relation entre ses personnages, dans l’attente de créer une forte émotion pour leur rencontre futur. On sent une réel maîtrise de la mangaka, dans la construction du récit, mais aussi dans son dessin, paradoxalement c’est ce qui lui nuit, son efficacité, froide et directe, nous empêche d’apprécier les courbes qui rendent les récits plus humain et plus épais.
Un manga qui commence bien, mais qui par manque d’audace et de cœur, semble s’acharner à poursuivre une chimère, celle de nous faire croire l’impossible.
Masked Noise volume 1 de Ryoko Fukuyama (2013) Romance/drame/musique/shôjo, Japon, Hakushensha, avril 2016, 192 pages, livre broché, 6.90 euros.