Louange de l’ombre de Tanizaki Jun’ichirô dans une nouvelle traduction chez Philippe Picquier.

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Le livre débute par une uchronie : imaginons que l’Orient ait inventé le stylographe à pinceau plutôt qu’à plume, la manière d’appréhension le monde en aurait été changée. En effet, là où les Occidentaux valorisent le brillant par la lumière, l’Orient ne peut concevoir la réalité qu’émergeant de l’ombre, valorisant le mat par la patine.

Tanizaki s’amuse ensuite à décliner la vision à travers de nombreux exemples dont le plus cocasse est celui des toilettes. En Occident, on valorise la céramique blanche et brillante pour la propreté mise en lumière à l’intérieur de la maison. En Orient, elles sont à l’extérieur de l’habitation, souvent dans un petit jardinet et elles sont en bois ciré et patiné. L’esthétique et l’adéquation avec le jardin priment. D’autres exemples tels les lampes ou les chauffages mettent en opposition ces deux manières de voir et d’appréhender ainsi le monde en ce qui s’apparente à une sémiologie du quotidien.

Cette nouvelle traduction de Ryoko Sekaguchi et Patrick Honnoré d’un texte de 1933 devenu un monument de la littérature japonaise, est espiègle ; elle se lit facilement par sa fluidité et sa vivacité. Elle permet d’actualiser les fondements de l’esthétique japonaise basée sur le clair-obscur mais aussi ceux d’une véritable philosophie de vie où la lumière est trompeuse et où l’ombre favorise « la paix de l’âme ». C’est une invitation à méditer sur cette part d’ombre qu’il nous faut cultiver voire sauvegarder.

Camille DOUZELET

 

Louange de l’ombre de Tanizaki Jun’ichiro, éditeur : Philippe Picquier, 13€.

 

 

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