L’empereur et les milliardaires rouges de Christine Ockrent paraît en poche.

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De 1949 à 1978, le développement de la Chine stagne. Il est en grande partie sclérosé par une idéologie mortifère. Même si le parti communiste ne le reconnaîtra jamais.

Fort judicieusement, Deng Xiaoping prend conscience de cette paupérisation. Pour y remédier, il veut fonder « une économie de marché socialiste aux caractéristiques chinoises » nous dit Christine Ockrent dans son ouvrage, L’empereur et les milliardaires rouges.

Il s’ensuit alors une frénésie entrepreneuriale par laquelle de nombreux néophytes se lancent dans l’aventure sans filet. Les échecs sont légions et souvent douloureux. La plupart du temps, la prison voire la mort attendent les perdants.

Toutefois, plusieurs centaines de millions de Chinois sortent de la pauvreté grâce au décollage de l’économie. Ce qui entraîne une disparité sociale de plus en plus importante au sein de ce pays au communisme si particulier. Mais ce n’est pas le moment d’en parler. Il faut aller de l’avant.

C’est ce que les acteurs de l’immobilier comprennent très vite. À partir de 1992, l’urbanisation forcenée produit des milliardaires à foison tel que Desmond Shu ou le couple Xin. En 2004 l’accès à la propriété est officialisé. Les appartements sont achetés sur plan alors que les terrains à construire n’appartiennent toujours pas aux bâtisseurs.

D’autres secteurs accompagnent le mouvement : la métallurgie, les mines et surtout l’informatique.

On ne présente plus jack Ma à la tête de ses multiples entreprises (Alibaba étant la plus connue) qui l’enrichissent plus que le propriétaire d’Amazon. Une ébullition créatrice propulse ces virtuoses de l’informatique dans les plus hautes sphères pécuniaires de cette Chine en mode rouleau compresseur.

En deux générations, le pays compte plus de milliardaires que tout l’Occident réuni. Chez ces gagnants, la liberté d’entreprendre se confond avec la liberté telle qu’elle est conceptualisée en Occident. Ce qui, petit à petit, braque le parti communiste chinois bien qu’il en tire des profits substantiels.

Si les deux pans de ce système de guanxi* trouvent leur compte à coopérer pendant les d’années fastes, en septembre 2012, c’est de moins en moins d’actualité.

En effet, à cette date, Xi Jinping succède à Hu Jintao à la tête du parti et, par là-même, accède à celle du pays. Sans état d’âme, le pouvoir reprend ses droits qu’il a bradés jusqu’à maintenant au plus offrant.

C’est cette sévère reprise en main que nous conte l’autrice avec brio. Au travers de l’histoire chinoise et de son envol économique, nous suivons le dédale des irrésistibles ascensions de ces affairistes rouges jusqu’au coup d’arrêt porté à leur prétention.

« Le parti dirige tout et Xi dirige le parti », nous précise Christine Ockrent. Cette devise que beaucoup d’entre eux avaient oubliée, happés par l’hubris du moment, met un coup d’arrêt à leur arrogance. La soumission de ces prétentieux est totale. Xi Jinping ne partage pas le pouvoir. Il en est sa matérialisation dans toute l’intransigeance requise par son égo.

Le livre de Christine Ockrent dissèque subtilement le rapport de force entre le président chinois et l’économie libre, entre la stagnation et le mouvement.

On regrettera seulement l’absence des triades et du poids financier qu’elles génèrent au sein du pays. Ceci afin d’avoir une vue globale de la société chinoise contemporaine.

Mais gageons que ces sujets délicats feront l’objet d’un ouvrage prochain de notre téméraire journaliste.

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

* Réseau de relations utiles, indispensables et mutuellement profitable à tous les niveaux de la société.

voir notre chronique : https://asiexpo.fr/demain-la-chine-guerre-ou-paix-de-jean-pierre-cabestan-parait-chez-gallimard/

L’empereur et les milliardaires rouges, comment Xi Jinping tient la Chine de Christine Ockrent, 248 pages, 8€ Alfa Essais.

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