Légende du grand judo 1 & 2 [La] de Akira Kurosawa

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La réédition de “La légende du Grand Judo” par Arte Vidéo permet de redécouvrir le premier film d’Akira Kurosawa en une édition entièrement remasterisée et rehaussée de quelques bonus sympathiques – dont un court entretien avec le réalisateur lui-même – mais surtout de découvrir l’inédit second épisode des aventures de Sugata Sanshiro.

Le premier volet est l’incroyable témoignage de la naissance d’un futur génie réputé l’un des meilleurs réalisateurs de tous les temps. Akira Kurosawa attend depuis de longs mois de pouvoir mettre en scène son premier film sous l’égide des studios de la Toho. Désormais scénariste, après avoir longuement travaillé comme assistant réalisateur, la guerre ne se prête pas vraiment au passage derrière la caméra pour cause de manque de fonds, d’un public et d’une main d’œuvre mobilisée au front. Tombant par hasard sur l’annonce de la prochaine publication d’un livre consacré au judoka Sugata Sanshiro, Kurosawa a comme la prémonition de tenir le sujet idéal pour un premier film. Il va se battre pour récupérer les droits convoités par plusieurs producteurs et ainsi réussir à sceller son fabuleux destin.
Plus de soixante ans après sa réalisation – et malgré le relativement pauvre état de la copie – “La légende du grand judo” étonne toujours autant par sa modernité et la magnificence de son traitement. D’un roman originel relativement médiocre, Kurosawa réussit à adapter un chef-d’œuvre intemporel. Sa parfaite mise en scène est d’un audacieux avant-gardisme, le propos d’une rare poésie. Plus qu’un simple film de combat (à mains nues, donc loin des standards habituels du film de sabre), l’histoire raconte l’accomplissement d’un homme et sa formidable amitié envers ses prochains – un fait récurrent dans la future œuvre du réalisateur. Le combat final dans une plaine agitée par une tempête est un rare moment de grâce cinématographique et servira de modèle à de nombreuses productions à venir. Un classique de l’Histoire du Cinéma Mondial à (re)découvrir de toute urgence.
A noter la coupe de 17 minutes de film exigée par le sévère Comité de Censure National de l’époque et perdues à tout jamais, concernant principalement l’histoire d’amour, il manque également deux des – initialement – sept combats du film. Ces carences ont été comblées depuis par des cartons explicatifs nuisant nullement à la parfaite compréhension de l’histoire dans son ensemble.
Le second chapitre a été réalisé à la demande expresse des studios de la Toho. Promettant au réalisateur, dans le besoin, un juteux contrat, ils exigent une sequel promouvant les valeurs patriotiques en ces temps difficiles de guerre. Kurosawa accepte à contrecoeur, mais réussit une nouvelle fois à contourner intelligemment la propagande. Les affrontements du judoka Sanshiro avec des “envahissants” américains et des frères revanchards ne lui servent que de toile de fond au véritable combat mené de l’homme contre lui-même. Doutant de son existence et de ses talents, ses tourments intérieurs traduisent le mal-être éprouvé par n’importe quel humain au cours de sa vie. Effectivement moins réussi visuellement et dénué de la poésie gracieuse du premier, ce second volet décrié par la critique constitue une parfaite prolongation au précédent épisode. Certes un travail de commande, le talent du génial réalisateur réussit de faire de ce film un métrage bien au-dessus de la moyenne habituelle, surtout durant la Seconde Guerre Mondiale.
Ironie du sort, si la première “Légende” avait failli ne jamais voir le jour pour cause “d’insuffisance des valeurs patriotiques”, le second a été interdit de diffusion peu de temps après sa sortie en salles par le fraîchement débarqué occupant américain pour cause de “propagande abusive”…
A noter qu’il existe une troisième version de Sugata Sanshiro de 1965 réalisée par Seiichiro Uchikawa, disponible en dvd chez Cheyenne Films.

Éditeur : ARTE Video

Pays : Japon

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