Le monde futur de Wang Xiaobo

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Ce petit roman est composé de deux parties. Dans la première partie, le narrateur, historien, écrit la biographie romancée de son oncle, écrivain qui n’a rien publié de son vivant mais qui a mené une vie amoureuse dissolue, intitulée Mon oncle. Dans la deuxième partie, « Moi-même », l’auteur de Mon oncle est devenu une personne à rééduquer. La société de l’administration générale de l’ordre social lui confisque tous ses biens, lui assigne une nouvelle identité, une femme dont il a la charge, et un emploi dans le bâtiment. Epuisé et miséreux, il devient par la suite “écrivant” pour le gouvernement : il est chargé de rédiger les textes et ouvrages commandés par le pouvoir, travail ponctué d’humiliations.

Le monde futur est une métaphore de la condition imposée aux écrivains, et aux intellectuels en général, dans la Chine communiste de Mao et du post-maoïsme, et dans quelque régime totalitaire que ce soit, le contexte politique restant assez flou, tout comme l’identité des personnages.
L’oppression est symbolisée par la narration elle-même. Pour déjouer la méfiance des autorités promptes à déceler d’improbables sous-entendus, le narrateur ne cesse de réécrire plusieurs fois les faits de façon différente. Le récit effectue en même temps des embardées temporelles complètement inattendues, abandonnant un fil narratif puis le reprenant après avoir parlé d’autre chose. La vérité demeure ainsi constamment insaisissable. Rien n’est sûr ni bien établi dans l’histoire de l’oncle, ni les raisons de sa maladie de cœur, ni l’identité véritable des femmes qu’il a connues, ni même les circonstances réelles de sa mort accidentelle.
Un art d’écrire et une prouesse technique qui dénoncent un régime autoritaire avec plus d’efficacité que ne le feraient tous les témoignages. L’œuvre de Wang Xiaobo tourne en dérision le monde de la parole et par là même le discours officiel.
Le mécanisme d’oppression a de surcroît le pouvoir de faire collaborer les intéressés. L’oncle est dans un état permanent de somnambulisme, il fait partie de la « majorité silencieuse ». Le narrateur, dans la deuxième partie, finit par perdre le goût de la parole et de l’écriture, son statut d’”écrivant” équivalant à une « castration ».
Mais il suscite également, heureusement, la révolte, à l’image de même oncle qui, ne pouvant fumer à cause de sa maladie de cœur, met une cigarette à la bouche, sans l’allumer… Et surtout à l’image de ses relations sexuelles hors mariage. F, la policière vêtue de noir, uniforme de la Gestapo, symbole donc du régime, devient sa maitresse. L’adultère est une faute politique, l’oncle défie le pouvoir et ébranle les rapports de domination (le sexe comme arme du faible contre le fort). Quant au narrateur, c’est en découvrant le lien qui unit le régime à la femme avec qui il vit qu’il retrouve sa libido.
Comme Wang Xiaobo, l’oncle est né en 1952 et n’est pas membre de l’union des écrivains. C’est donc toutes les frustrations de l’auteur qui se cachent derrière ce personnage, le narrateur, Le monde futur.

Éditeur : Actes Sud

Pays : Chine

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