S’il est désormais reconnu qu’une multitude d’œuvres d’art africaines trônent dans les musées occidentaux, son pendant oriental l’est beaucoup moins. En effet, comme nous le conte Yannick Lemarec dans son dernier ouvrage, le grand pillage, moult objets d’origine asiatique proviennent des pillages coloniaux, du XIXème siècle surtout.
C’est notamment le cas de la France. Au travers des périples de deux officiers de marine, Victor Segalen et Pierre Loti, l’auteur retrace leurs perceptions de l’Asie et de la Chine plus particulièrement. Grâce aux divers écrits documentaires de leurs voyages plus que par leurs récits de fiction, le lecteur finit par comprendre qu’au-delà des motivations esthétiques de ces écrivains, leur but inavoué incline à la prédation. Leur véritable but était bien de s’emparer de divers trésors du Céleste Empire.
Pour Loti (1850-1923) cela a commencé sur l’île de Pâques où les Français emportèrent un Moai. Puis, en Chine, il participa au sac du Palais d’Été dans les années 1860.
En ce qui concerne Segalen (1878-1919), il ne sut pas résister à la destruction d’un bouddha dans un temple perdu dans la campagne chinoise. Avec ses acolytes et sans aucun scrupule, ils décapitèrent le saint personnage pour ne ramener que la tête en France à défaut de toute la sculpture trop encombrante.
Tout au long de son livre et sans concession, l’auteur nous plonge dans les affres de l’irrésistible expansion de l’impérialisme occidental. Ramenés en Europe, bien que volés, les trophées prennent aussitôt le statut d’œuvre d’art et deviennent, par là même, inaliénables. Ce qui n’empêche pas les pays spoliés de réclamer leurs biens sans grand résultat jusqu’à présent.
Yannick Le Marec poursuit ainsi, avec Le Grand Pillage, son questionnement sur le les exactions coloniales à la suite de son précédent ouvrage, la Constellation du tigre qui abordait notre rapport aux animaux sauvages.
Plus lyrique, le livre de Christian Doumet, Segalen, relate les pérégrinations en Chine de l’auteur à la recherche de l’altérité qu’il ne trouva jamais. Sans doute trop imbu de sa supériorité dans un empire en déliquescence.
Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON
Le grand pillage, Yannick Le Marec, 208 pages, 18€, collection La rencontre, éd. Arléa.
Segalen, Christian Doumet, 112 pages, 9€, collection Arléa-Poche.