Le dernier thé de maître Sohô de Cyril Gely paraît chez Arléa.

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En 1878, la bataille de Shiroyama marque une fracture dans l’histoire du Japon. En effet, 500 samouraïs fidèles au Shogun Tokugawa sont assiégés par 30000 soldats de l’empereur Meiji, suréquipés de matériel moderne. Bien sûr, aucun n’en réchappe. Nous assistons, là, à la fin d’un monde et au début d’un autre.

À la veille du combat, c’est sur ce champ de bataille qu’aboutissent les deux héros du roman Le dernier thé de maître Sohô de Cyril Gely. C’est un ancien samouraï, Akira Sohô, devenu moine bouddhiste et une jeune femme, Ibuki, venue auprès de lui chercher l’enseignement de la voie du sabre en martyrisant son corps afin d’avoir l’air d’un garçon.

Toutefois, le patriarche, passé maître dans la cérémonie du thé, ne l’entend pas ainsi. S’il accorde l’hospitalité à Ibuki, il ne consent qu’à reculons à lui enseigner comment être un guerrier intrépide.

Il préfère, qu’elle s’imprègne des senteurs et saveurs des mille et uns thés de l’Empire du soleil levant. Elle accepte d’investir ce domaine à la condition d’obtenir ce qu’elle et venue chercher. Maître Sohô se plie à son souhait tout en la mettant en garde sur son choix à venir. Car « le sabre prend la vie alors que le thé la donne. »

Saura-t-elle être aussi sage que son maître ?

Dans ce court texte à l’écriture sobre et efficace, l’auteur campe une héroïne prête à tout pour accéder à son rêve. Sa liberté prime et elle sait sacrifier ce qui finit toujours par l’entraver dans sa quête. Si bien qu’elle rejette l’amour paternel et une situation enviable de bouilleur de saké. Elle agit pareillement avec ses amants qu’elle délaisse sans état d’âme. Seul son but lui importe et elle trouve, avec Maître Sohô, un père dont elle n’aurait jamais rêvé.

L’auteur mêle très finement la grande Histoire à celles de ses protagonistes. Ce qui en fait un récit très vivant grâce à l’équilibre savamment dosé entre ces deux composantes.

Tout au long du roman, Cyril Gely sait nous restituer les petits riens de la vie qui font du Japon sa grandeur et son raffinement quasi mystique. Mais la poésie se loge au sein même des luttes sanglantes. l’enseignement guerrier ne se limite pas qu’aux armes. En effet un parfait samouraï se doit d’apprendre la cérémonie du thé, la calligraphie et la poésie. Si bien que, face à son destin, chaque combattant écrit un Jiseiku, poème de 31 syllabes.

Le témoin est passé entre maître Sohô et Ibuki. N’est-ce pas là l’essentiel ?

Camille DOUZELET et Pierrick SAUZON

Le dernier thé de maître Sohô, roman de Cyril Gely, 200p., 18€, coll. 1er mille, éd. Arléa. En librairie le 2 mai 2024.bataille 

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