De nos jours, dans un petit village traditionnel de l’État du Gujarat, en Inde, quatre femmes décident à leur façon de s’opposer aux hommes et aux traditions ancestrales qui, tous deux, les asservissent. Chacune représente un archétype féminin et dans son histoire personnelle représente toutes les femmes vivant la même situation.
Rani, la veuve de 37 ans qui n’a pas été « touchée » depuis 15 ans, croit penser par elle-même et faire ce qu’il faut lorsqu’elle va chercher une jeune épouse dans un autre village pour son fils Gulab, âgé de 17 ans, qui ne veut absolument pas se marier. Elle croit aussi bien faire quand elle ramène la jeune fille qui s’est coupé les cheveux à ras pour empêcher ce mariage ! Quand elle la rudoie au sujet des travaux de la maison… Il lui faudra du temps et toute l’amitié de son amie non conformiste Bijli pour comprendre qu’elle ne fait qu’appliquer les règles de la tradition qui l’opprime et comprendre ensuite la détresse de Janaki, qui n’a jamais son mot à dire, pur objet que l’on déplace, abîme ou remplace. Bijli est danseuse et … prostituée, les deux allant de pair dans ce système de société organisée par les hommes, tenue d’une main de fer par les mêmes, mais où leur frustration sexuelle ne cesse de sortir par tous leurs pores. C’est la plus émancipée des trois, car elle voyage, voit d’autres horizons. Elle apporte toujours une solution à ses amies en détresse, mais celle-ci est bien difficile à assumer comme sa propre vie faite d’une gloire éphémère et de beaucoup d’humiliations. Elle aide aussi son amie Lajjo qui représente la pure victime des abus masculins incarnés par son mari, prisonnière de sa puissance physique, elle qu’on dit stérile…
Ces quatre femmes, Leena Yadav nous les montre dans toute leur intimité avec leurs blessures, leurs frustrations, leurs désirs et leurs souffrances tant morale que physique. Mais elle montre aussi, la luxuriance des vêtements, des tissus, la beauté des lieux sans doute très anciens pour certains et donc intemporels, l’exubérance des fêtes. Il n’y a pas de pathos seulement un constat de la condition archaïque des femmes dans ces villages reculés puis un sursaut des individus qui disent « non » à cet asservissement quotidien et qui trouvent la force de s’en sortir. Les images sont faites pour frapper comme cette fête qui célèbre une déesse terrassant le démon par le feu, filmée en montage parallèle avec la scène où Lajjo s’affranchit définitivement de son mari…
« La saison des femmes » doit être montré dans le monde entier pour qu’il suscite le débat, c’est la volonté très salutaire de sa réalisatrice. Le chemin est encore long puisque le film n’est pas encore sorti en Inde… « Les choses peuvent changer si l’on commence à poser des questions. Prendre conscience d’un état de fait, et se demander pourquoi il en est ainsi, c’est le premier pas » dit-elle avec modestie et optimisme. Son film, à coup sûr, aide à cette réflexion !
Le DVD est enrichi de deux excellents suppléments, notamment, un entretien de Leena Yadav dans lequel elle revient sur la genèse de son film, sur la rencontre des femmes qui ont inspiré ses personnages féminins, sur son choix des comédiennes aussi. On y sent bien encore le poids des traditions archaïques…
Camille DOUZELET
DVD La saison des femmes de Leena Yadav, durée 1h51, version originale hindie sous-titrée français, Bonus d’1 h. chez Pyramide Vidéo,Prix conseillé 19.99€.