Seiji Hasumi est un professeur d’anglais adulé par ses élèves. Il prend très au sérieux son rôle éducatif. Il l’assume avec une extrême compétence. Non seulement, il est très impliqué dans ses cours, mais il fait aussi partie du conseil de surveillance du lycée. Afin que règne une certaine harmonie dans l’établissement. De plus, à maintes occasions, il conseille très pertinemment le proviseur adjoint M. Sakai. D’ailleurs, celui-ci s’en remet très souvent au savoir faire de son subalterne pour résoudre les nombreux problèmes qui le tourmentent.
Toutefois, derrière l’homme affable et toujours serviable transparaît progressivement une image trouble de l’individu. Au début du roman, il n’hésite pas à électrocuter un corbeau qui semble le narguer. Plus grave encore, sans scrupule aucun, il utilise des moyens illégaux pour qu’aucune fraude au téléphone portable ne soit commise pendant les contrôles de fin de trimestre.
Par des flash-back révélateurs de l’état d’esprit de son protagoniste, l’auteur nous décrit les innombrables crimes de celui-ci depuis sa prime jeunesse. L’assassinat, pour lui n’est qu’une formalité quand il s’avère nécessaire. Ce qui est très souvent le cas. Il passe donc à l’acte sans aucune compassion, mais avec un machiavélisme des plus maîtrisés. On pourrait allègrement le nommer japanese psycho ! Ce qu’il reconnaît lui-même très volontiers, à une exception près. Une étincelle d’humanisme le traverse, en effet, lors d’une rencontre avec une jeune fille qui le comprend. Elle ne dure que le temps de la venger en tuant son violeur.
Puis advient le troisième tiers de l’histoire comme en point d’orgue, il nous précipite dans une tuerie innommable perpétrée avec un sang-froid d’une rare cruauté. Une logique implacable le motive sans état d’âme. Quant au motif d’un tel acte, le mal s’auto justifie pourrait-on dire.
Tout au long de la lecture, on sent combien fut grande la jubilation qu’a pu ressentir Yûsuke Kishi à écrire son roman. En effet, il restitue les méandres les plus tortueux de son personnage avec une perspicacité désarmante. Au travers des dialogues denses, les nombreux personnages prennent corps avec une vérité toujours plus affirmée. Bien qu’il s’intéresse à son serial killer avant tout, Yûsuke Kishi ne néglige jamais les bassesses de ceux qui l’entourent. En effet, les rivalités entre les individus sont telles qu’elles débouchent souvent sur le chantage ou la confrontation physique et parfois même sur le meurtre.
Le microcosme du lycée s’avère un excellent laboratoire pour dévoiler les turpitudes humaines. En cela, ce roman nous montre avec brio que la transgression est partout alors que notre regard est captivé par la lumière noire de la monstruosité. Reste à savoir, si le lecteur contraint de partager le mal incarné dans toute sa répugnance acceptera de poursuivre sa lecture jusqu’à son terme. Toutefois, il serait dommage qu’il n’en fût pas ainsi. L’interrogatoire final de Seiji Hasumi est un chef-d’œuvre de retournement de situation.
Notons que ce roman est paru en 2010 au Japon et qu’il a déjà son adaptation cinématographique, mais aussi en manga. C’est sa première traduction en français.
La leçon du mal, roman de Yûsuke Kishi, traduit du japonais par Diane Durocher, 540 pages, 24€, éd. Belfond. En librairie le 25 août.