L CHANGE THE WORLD de Hideo Nakata

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L est le troisième volet de la série Death Note au cinéma. Death Note, vous situez ? Sous des apparences de shônen manga des plus classique, avec héros permanentés, lolitas gothiques et monstres farceurs, se cachait un thriller amoral bourré de rebondissements tordus sur des adolescents se prenant pour des dieux, ivres du pouvoir conféré par un carnet permettant de mettre à mort celui ou ceux dont on y écrivait le nom. Le dénommé “L” est dans ces mangas (et animes, et films) un super détective, lui aussi adolescent, Sherlock impassible et voûté, s’empiffrant de sucreries.

Ce troisième épisode cinéma abandonne l’intrigue du manga et suit les derniers jours de L, alors confronté à une menace terroriste. Si la série perd un peu de crédibilité sur grand écran, l’annonce de la présence de Hideo Nakata à la réalisation sur ce troisième épisode pouvait laisser espérer un sursaut qualitatif. En effet, le réalisateur de Ring, s’il n’a pas fait que des chefs-d’oeuvre, semblait particulièrement en forme sur son récent Kaidan, d’un classicisme qui lui seyait parfaitement. C’est donc plutôt enthousiaste que je me rends à la soirée de clôture du Niff (festival de cinéma fantastique) à Neuchâtel où le film est projeté. Et c’est la catastrophe.

En parcourant n’importe quelle interview de Nakata portant sur ce film, on se rend vite compte que l’origine du projet ne doit absolument rien au réalisateur. Pire, il ne doit rien non plus aux auteurs du manga. De l’histoire à l’orientation du genre du film, tout est ici un produit de producteur, désirant miser sur le succès de l’un des personnages les plus populaires de la série. Nous avons donc devant nous un film d’action des plus fade (“nous avons regardé des films comme Air Force One” dit Nakata sur www.twitch.com), un sous James Bond fauché, visuellement moche, dans la lignée des films précédents, dans lequel la seule implication thématique de Nakata, fine comme du papier de manga bon marché, se résume à nous montrer un L protecteur incitant les enfants qu’il protège à construire un monde meilleur. Et autant dire que sur ces thèmes familiaux, les derniers Disney sont autrement plus aboutis et moins caricaturaux.

Alors que vient faire Nakata dans ce fiasco aseptisé ? Il se positionne comme réalisateur à succès parmi les studios nippons, pas franchement avant-gardistes ces dernières années. Nakata semble vouloir fuir le rôle de “maître de l’horreur” qu’il a contracté malgré lui (lors d’une autre commande, Ring, au succès international). L’admettant lui-même, lors de la conférence donnée au festival du Niff, ce film est l’occasion pour lui de s’ouvrir à des projets plus variés, et de s’essayer à différents genres. L est effectivement tour à tour une comédie familiale assez mièvre, un thriller poussif (des scènes de massacre en Thaïlande émotionnellement vides, un comble), parsemé de références à la SF catastrophe kitsch japonaise des 70”s, ou de scènes d’action pauvres et molles (L, l’ado à scoliose frôlant l’autisme, bondissant dans un avion lancé sur l’aéroport…).
On espère que Nakata parviendra à ses fins avec cette commande désolante, et pourra tourner des films plus personnels par la suite. On aurait cependant préféré ne pas être témoin de cette mue douloureuse, déconseillée aux plus de 10 ans.

Acteurs : Kenichi Matsuyama, Shunji Fujimaran Mayuko Fukuda

Éditeur : Autre

Pays : Japon

Olivier Malosse

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